Ils ne participeront pas aux forums en santé et en éducation du gouvernement Legault.

(Québec) Les grands syndicats rejettent pour de bon la « pépine » de la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel. Ils associent ces forums de discussion touchant les secteurs de la santé et de l’éducation à un désir du gouvernement Legault de prendre les commandes d’un « bulldozer » et d’imposer ses volontés.

« J’ai une bonne nouvelle pour Mme LeBel. Elle n’a pas besoin de nouvelle pépine. Elle n’a pas besoin de pépine du tout. Le trou est déjà creusé, il reste juste à mettre de l’eau dedans », lance la présidente de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), Magali Picard, en entrevue avec La Presse.

Elle réagissait à la sortie de Mme LeBel, qui affirmait que la tenue de forums de discussion en parallèle des tables de négociation permettrait de régler plus facilement le « lourd » processus de renouvellement des conventions collectives des employés de l’État1.

Selon la ministre, le mécanisme codifié par la loi revient pour elle à « creuser un lac à la cuillère » et ses forums de discussion lui permettraient de s’acheter « une pépine pour faire la même affaire ». Elle a cité par exemple une solution proposée par le gouvernement Legault, soit l’ajout de 15 000 « aides à la classe » pour prêter main-forte aux enseignants, qui pourraient être des éducatrices de service de garde dont les horaires sont brisés. Plutôt que de faire des va-et-vient entre différentes tables de négociations, elle voudrait le négocier dans un forum.

La FTQ a aussi des solutions

Mais la présidente de la FTQ reproche à Mme LeBel et au gouvernement de sombrer dans la « désinformation » en accusant les dirigeants syndicaux de « fermeture ». Elle mentionne en exemple deux solutions présentées par son syndicat qui ne nécessitent pas de forum, mais simplement la volonté de négocier rapidement.

Mme Picard est favorable à une hausse du salaire des psychologues, qui pourrait se faire en dehors des négociations grâce à la Loi sur l’équité salariale, et elle propose la création de nouveaux « postes combinés » qui permettrait à des techniciens en éducation spécialisée, qui ont des horaires « merdiques », d’avoir des temps complets en devenant des aides à la classe.

« On en a, nous aussi, des solutions », indique-t-elle. Elle ouvre également la porte à des salaires différenciés, des primes pour certains corps d’emploi ou la modification d’échelons salariaux pour certaines catégories d’emploi. Cela devrait être négocié dans des tables sectorielles, souligne-t-elle.

Les mains sur les commandes de la « pépine »

Le président de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), Robert Comeau, membre du Front commun avec la FTQ, la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) et la Confédération des syndicats nationaux (CSN), écorche lui aussi Mme LeBel.

Dans la pépine, il n’y a qu’une seule personne qui conduit et qui a le contrôle. [Sonia LeBel] veut parler de ses priorités […] tout en ignorant les propositions de nos membres.

Robert Comeau, président de l’APTS

Son organisation défend les psychologues, une profession ciblée par Québec pour une hausse de salaire plus importante que pour les autres employés du secteur public. Pourquoi ne se ruent-ils pas dans ces forums pour discuter de cet enjeu ?

« Les problèmes de rétention de main-d’œuvre et de pénurie touchent tous nos membres. Mais eux, ils veulent juste régler les psychologues. Ils ne parlent pas des centres jeunesse [dont les employés sont représentés par l’APTS], où les problèmes sont criants. L’argent qu’ils proposent de mettre dans les forums, il n’y en aura plus après pour les autres, ce n’est que pour leurs priorités, on n’a rien à gagner là-dedans », explique-t-il.

Pas une « pépine », un bulldozer

Mme LeBel veut discuter dans ces forums de ses propositions qui coûteraient 700 millions en cinq ans, une somme prévue dans l’offre globale présentée aux syndicats en décembre dernier.

La présidente de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), Mélanie Hubert, croit également que « l’allusion à la pépine » de Mme LeBel est une erreur. « Ça sonne bulldozer, grosse machinerie lourde qu’on a avantage à suivre ou à s’enlever du chemin », déplore-t-elle.

Et la présidente de la CSN, Caroline Senneville, parle même d’un « détournement » potentiellement illégal. « Je ne crois pas que ça respecte les règles et les lois. » Elle en appelle à la bonne foi du gouvernement, mais n’écarte pas de se tourner vers ses avocats si la situation perdure.

Tous les syndicats ne sont pas à l’aise avec des négociations avec salaires différenciés. Éric Gingras, président de la Centrale des syndicats du Québec, s’y oppose et fait valoir que les hausses de salaire pour les enseignants et les infirmières n’ont pas réglé les problèmes de pénurie. Mais « tout se négocie », fait valoir Caroline Senneville, pourvu que ce soit fait aux tables de négociations.

Dans un message publié sur Facebook samedi, le premier ministre François Legault a lancé le bal en accusant les syndicats de faire preuve de « fermeture » en boudant les trois forums2.

1. Lisez « Sonia LeBel tient à sa pépine » 2. Lisez « Legault choque les syndicats en les accusant de fermeture »
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  • 31 mars
    Date à laquelle les conventions collectives des 600 000 employés de l’État seront échues.