Tenir des forums de discussion en parallèle des tables de négociation permet d’avancer plus vite, plaide-t-elle

(Québec) La présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, se défend de déroger au cadre légal des négociations avec ses forums de discussion touchant les secteurs de la santé et de l’éducation. Elle y voit plutôt une façon de rendre plus performant le « lourd » processus de renouvellement des conventions collectives des employés de l’État.

En entrevue à La Presse, Sonia LeBel soutient que mener les négociations de la même façon qu’on le fait depuis 50 ans revient pour elle à « creuser un lac à la cuillère ». « Ça demande plus de temps et plus d’effort, c’est ardu. »

Avec les trois forums de discussion, « c’est comme si je m’achetais une pépine pour faire la même affaire. On va avancer plus rapidement pour le bien de tout le monde, des employés et de la population », plaide-t-elle.

La présidente du Conseil du trésor a mis en place trois forums de discussion, en parallèle des tables traditionnelles de négociation, portant sur des enjeux jugés prioritaires en éducation et en santé – « équipe classe », « équipe soins » et « équipe santé mentale ».

Les syndicats refusent d’y participer, reprochant au gouvernement de vouloir passer outre au cadre légal de négociation. Ils avaient donné la même réponse lorsque Québec avait utilisé une stratégie semblable lors des dernières négociations.

« Je pourrais leur répondre de la façon suivante : eh bien, ce n’est pas prévu dans la loi 37, les rencontres particulières avec la présidente du Conseil du trésor. Est-ce que je les refuse à partir de maintenant ? Non, je ne vais pas mettre fin à ça », affirme Sonia LeBel, rappelant des entretiens qu’elle a eus avec des chefs syndicaux lors de la précédente ronde de négociations.

« Est-ce que j’étais en train de faire une négociation illégale parce que j’ai accepté de prendre leur appel ? Non. J’étais en train de discuter », ce à quoi servent aussi les trois forums. Elle les présente comme de véritables « lieux de négociation ».

Il est lourd, le cadre légal actuel. Et même si je mets à fond les gaz, il y a une limite à ma façon de pouvoir accélérer.

Sonia LeBel, présidente du Conseil du trésor

« Ce que j’essaie, c’est de trouver en parallèle de ça, en respectant la loi actuelle, une façon d’avoir un lieu commun de discussion pour des sujets qui sont de toute manière communs et qui vont devoir aboutir à la même place. » Or, les syndicats sont comme toujours répartis dans différentes tables sectorielles pour négocier les conditions de travail.

« L’univers de la négociation au Québec, c’est 50 tables de négociation. Ça oblige le Conseil du trésor à faire beaucoup de va-et-vient entre les tables », déplore Sonia LeBel.

Une « conversation commune »

Elle donne un exemple concret. Le gouvernement propose l’ajout de 15 000 « aides à la classe » pour prêter main-forte aux enseignantes – le réseau compte 25 000 classes. Ce pourrait être des éducatrices de services de garde scolaires dont les horaires sont brisés à l’heure actuelle.

Les parties devront définir les tâches des aides à la classe. Surveiller les élèves pendant un examen ? Donner une dictée ? Les syndicats représentant les enseignants, la CSQ et la FAE, pourraient avoir des avis différents sur la question à chacune de leur table, explique Sonia LeBel. Et ceux représentant les éducatrices pourraient quant à eux être d’accord avec certaines tâches préconisées par la CSQ seulement et être en désaccord avec l’une suggérée par la FAE.

« Cette conversation, je ne peux l’avoir avec un syndicat » à la fois, « c’est une conversation qui est commune, d’où le forum » pour en parler, plaide l’élue.

Elle ne fait toutefois pas de la participation aux forums une condition sine qua non pour négocier les nouveaux contrats de travail. Elle assure que le gouvernement « respecte les tables de négociation ». « Elles fonctionnent, il y a des dates », dit-elle alors que les syndicats déplorent un calendrier de rencontres peu garni.

Dans un message publié sur Facebook samedi, le premier ministre François Legault a accusé les syndicats de faire preuve de « fermeture » en boudant les trois forums, une sortie qui les a ulcérés.

Les conventions collectives des 600 000 employés de l’État seront échues le 31 mars.