À de nombreuses reprises, les médias ont souligné le problème de la pénurie des personnels scolaires. Avant d’aborder les solutions à ce problème (ce que nous ferons dans un autre texte), il est nécessaire de bien en cerner les causes.

D’abord, il y a une baisse drastique du taux d’admission dans les programmes universitaires d’enseignement au primaire et au secondaire, puis un pourcentage important d’abandon au cours des études de quatre ans. Dans les six universités du Québec, 50 % des étudiantes et étudiants quittent leurs études à la fin de la première année, et, parmi ceux qui restent, encore 50 % abandonnent à la fin de la deuxième année. Dans le baccalauréat pour l’enseignement au secondaire, seulement 53 à 55 % sont diplômés, et 68 à 70 % pour celui du préscolaire-primaire. Donc, moins de candidats à l’enseignement. Pourquoi ?

Charge de travail trop lourde et de plus en plus difficile

Pour celles et ceux qui arrivent dans l’enseignement, la première cause de décrochage, c’est les conditions de travail très difficiles. Elles provoquent le départ d’environ 25 % à 30 % d’entre eux après la première année d’enseignement, et jusqu’à 50 % après cinq ans (Létourneau, 2012). Quand on n’arrive pas à faire son travail de façon minimalement satisfaisante, on démissionne.

Classes trop nombreuses, dont un nombre important d’élèves demandent un suivi hebdomadaire par la titulaire au primaire et le tuteur au secondaire ; incivilité fréquente des élèves qui posent de sérieux problèmes de gestion de la classe et prennent beaucoup de temps en classe et hors de la classe, etc.

On va même jusqu’à leur demander de prendre en charge les nouveaux arrivants pour les aider ! Pour une enseignante compétente, exigeante envers elle-même et ses élèves et passionnée par son travail, une semaine de travail est facilement de 45 à 50 heures par semaine (cela à des salaires dérisoires). Mentionnons aussi le manque de structures et de mesures d’insertion professionnelle pour les nouveaux, qui sont laissés à eux-mêmes. Elles sont réclamées depuis des décennies par les syndicats et les spécialistes de l’éducation, mais sont de plus en plus rares, pénurie exige !

Il n’y a pas que les nouveaux qui décrochent, des enseignantes et enseignants expérimentés aussi, car pour eux également la tâche ne cesse de s’alourdir, sans compter la dégradation des conditions dans lesquelles ils doivent travailler.

Précisons qu’il y a d’énormes différences entre l’enseignement dans les écoles privées subventionnées (25 % des élèves), dans les projets particuliers sélectifs du public (25 % des élèves du public) et les classes dites régulières où se retrouvent massivement les nouvelles enseignantes et les nouveaux enseignants ; comme il y a des différences entre les écoles, selon leurs milieux socioéconomique et culturel.

Dévalorisation des compétences professionnelles

Ce qui est évident pour qui a enseigné à la fin des années 1960 et jusqu’aux années 1980, comme nous, c’est aussi la perte d’autonomie professionnelle et de liberté académique du corps enseignant, qui vit de plus en plus un processus de déprofessionnalisation et de déqualification. Cela s’explique par la nouvelle gestion du système d’éducation. Depuis plus de 20 ans, l’école est gérée comme une entreprise selon les préceptes de la nouvelle gestion publique (NGP), qui prône la gestion axée sur les résultats, avalisée et soutenue par les récentes lois du Québec, dont la loi 124, la loi 88 et la loi 105.

Il s’agit bel et bien d’un cercle vicieux : plus les conditions sont difficiles, plus il y a abandon ; plus il y a pénurie, plus les conditions de travail sont difficiles, provoquant les départs. Bref, on n’en sortira pas sans que l’État québécois revoie sérieusement la gestion actuelle du système scolaire. C’est dire à quel point la « solution » du ministre Bernard Drainville est inadéquate.

À lire demain : « Pénurie d’enseignants : quelles sont les solutions »

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