Après huit hausses consécutives de son taux directeur pour l’amener à 4,5 %, la Banque du Canada veut maintenant faire une pause. Ouf ! Tout comme moi vous lorgnez du côté des cennes noires qui traînent dans un vieux pot de crème glacée parce que les rouler vous aiderait à payer votre laitue ? La vie, la vraie vie, ça coûte cher. Alors que les jeunes espèrent pouvoir acheter une maison quelques mois avant leur retraite et qu’on pense au minimalisme comme à une nouvelle norme, je vous dis qu’il y a pire. Il y a toujours pire.

Récemment, j’étais à Matimekush (communauté innue collée sur la ville de Schefferville). Rendu si haut, il n’y a que le Nunavik qui nous sépare de l’Arctique. Ça vous donne une idée.

À cette latitude, tout coûte cher. D’abord, pour s’y rendre, il n’y a pas de routes. Deux choix s’offrent à nous : l’avion pour la modique somme de 2400 $ (le prix de mon billet en partance de Montréal, soit le même prix qu’un billet pour se rendre à Sydney, en Australie, j’ai vérifié) ou, choix numéro deux : 11 heures de voiture depuis Montréal jusqu’à Sept-Îles, puis 12 heures de train jusqu’à Schefferville. La deuxième option est nettement moins chère, mais aussi interminable.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Rayon d’épicerie au Nunavut, en 1993 !

Et que diriez-vous de deux litres et demi de jus d’orange à 19,99 $ ou de 10,50 $ pour 22 tranches de fromage jaune de marque bien connue, de 2 $ LA pomme, 10 $ le petit brocoli ou de 15,69 $ le kilo de poivrons rouges ? Poivrons qui ont sans aucun doute vu des jours meilleurs, soit dit en passant. Et je ne parle pas des bananes qui ont visiblement gelé lors du transport en train.

Je vous parlais de jus. J’ai fait le calcul. Ça coûte trois fois moins cher le millilitre de boire une boisson gazeuse que du jus. Alors, ils boivent quoi, les gens, vous pensez ?

Imaginez le coût des matériaux. On casse une vitre en jouant au baseball ? On la remplace avec un panneau de bois compressé. Ici, c’est la norme. On s’y habitue à la longue, j’imagine.

Tout est trop cher. Beaucoup trop cher. Pas comme si les gens faisaient de gros salaires non plus. Le plus gros employeur, c’est le conseil de bande. Il y a très peu de commerces et souvent, ils sont détenus par des non-Autochtones, pourtant minoritaires en ces lieux.

Au moins, il n’y a pas grand-chose sur lequel dépenser. Ne cherchez pas de cinéma ou de salle de spectacle. Je n’ai pas trouvé de magasin de vêtements non plus, à part des vêtements de plein air à l’épicerie. Il y a bien un resto et demi et un bar, certains soirs.

En plus, on gèle ! Il faisait -43 °C au lever un matin. Le propane (le propane, là, un gaz) avait gelé. Qui est venu réparer la télé qui avait cédé ? Le paramédic du coin.

On apprend à se débrouiller, c’est tout.

Dans l’avion, une infirmière me racontait que pour transporter un patient en urgence à Sept-Îles, ils avaient dû réquisitionner l’avion qui devait transporter des passagers. Vous imaginez les coûts de tout ça ?

Je me dis que parfois, on ne se rend pas compte des privilèges qu’on peut avoir au Sud. Et je m’inclus dans cette réflexion.

J’ai l’air grise avec tout ça, mais je veux terminer sur une note positive (c’est dans mes résolutions de l’année).

Là-bas, à Matimekush et Kawawachikamach (la communauté naskapi située à quelques kilomètres), il y a la plus belle chose qu’un homme ne peut pas acheter : du territoire, de l’air pur, de la liberté. Le stress ? Connais pas, sauf peut-être pour boucler les fins de mois. Pourtant, jamais personne ne semble mal pris. On se connaît, on s’entraide. C’est la façon de survivre ici, d’être bien. On l’apprend vite ! C’est comme si le poids sur nos épaules était réparti entre tous. Et on partage souvent le produit de la chasse. Ça aide dans les moments difficiles.

Parfois même, si on est chanceux, on peut assister au plus majestueux des spectacles en plein air (qui a besoin d’une salle de spectacle ?) : celui des aurores boréales vertes, jaunes, parfois roses, qui dansent.

Tout ça, ça ne s’achète pas.