« As-tu déjà vu le documentaire sur Metallica ? » n’est pas une phrase qu’on imagine entendre de la bouche de Martine St-Clair. Et pourtant. Entretien avec une fervente mélomane, qui ne s’est pas (encore) mise au metal, mais qui offre sur les routes du Québec un bouquet de ses refrains les plus entêtants.

« Ce documentaire-là est tellement une leçon précise sur ce que c’est, pour vrai, le show-business », lance Martine St-Clair au sujet de Some Kind of Monster (2004), une incursion d’une impudeur troublante (et parfois involontairement hilarante) dans les querelles intestines qui ont failli avoir raison de Metallica.

« J’adore Metallica, mais je n’avais pas encore vu le documentaire avant tout récemment et j’ai été complètement fascinée », explique la chanteuse qui, à 60 ans, a à peu près le même âge que les vétérans du trash metal (James Hetfield et Lars Ulrich en ont 59).

Une fascination qui tient beaucoup à cette vulnérabilité qu’assume pleinement, dans Some Kind of Monster, un groupe ayant eu le réflexe d’appeler à l’aide et de recourir aux services d’un psychologue. Martine St-Clair confie dans le même élan qu’elle aurait aimé, à ses débuts, pouvoir compter sur pareille oreille.

À 18 ans, au moment où elle revêt le costume de Cristal dans la première mouture québécoise de Starmania, l’interprète est une ex-étudiante en soins infirmiers, sixième d’une famille de huit qui, malgré toute la bienveillance de son père, sent se déposer sur ses épaules une certaine pression : surtout, ne pas rater sa première présence au bâton.

PHOTO RENÉ PICARD, ARCHIVES LA PRESSE

Martine St-Clair et Luc Plamondon en 1982

Les monstres de Metallica s’appelaient ego, dépendances et argent. Et son monstre à elle ? « Juste apprendre à être moi-même, ç’a été tout un parcours. J’aurais aimé avoir quelqu’un qui me dise : ‟Sois sérieuse, mais ne prends pas tout ça trop au sérieux.” Pour moi, tout était une question de vie ou de mort. L’assurance du personnage de Cristal m’a aidée à avoir confiance, à m’amuser un petit peu, mais j’avais du mal à trouver mon plaisir. Et disons que ça peut être un métier très difficile si tu ne t’amuses pas. »

Ne plus vouloir plaire à tout prix

La tournée Les retrouvailles de Martine St-Clair s’amorce alors que la planète semble enfin prendre la pleine mesure de la profondeur, autant en matière de quantité que de qualité, du répertoire de certaines héroïnes de la pop des années 1980 et 1990.

Martin Leclerc, le producteur de l’actuelle tournée de celle avec qui il y a toujours de l’amour dans l’air, est aussi derrière Pour une histoire d’un soir, le spectacle qui réunit sur la même scène Joe Bocan, Marie Carmen et Marie Denise Pelletier, des voix qui n’étaient pas tombées dans l’oubli, mais qui n’étaient sans doute pas célébrées avec tous les égards qu’elles méritent.

Martine St-Clair ne s’étonne plus qu’on s’étonne qu’elle soit autrice-compositrice, et non strictement chanteuse – elle a posé sa patte sur la majorité des pièces de son album Tout ce que j’ai (2004) et a collaboré à la création de certains de ses tubes, dont Au cœur du désert (1988).

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Martine St-Clair sur scène à l’été 2022

« C’est un délice de voir ces femmes-là reprendre les devants », observe celle à qui l’auteur de ces lignes a avoué un peu honteusement qu’il ne soupçonnait pas chez elle une mélomane aussi fervente et curieuse. Ce qui tombe pourtant sous le sens pour une chanteuse.

Au cours d’un entretien d’une heure, Martine St-Clair parle non seulement de Metallica, mais de Prince, dont elle a vu les deux derniers concerts montréalais, un mois avant sa mort, en 2016. Ses yeux s’illuminent lorsqu’elle apprend que Navet Confit a repris en 2020 son succès de 1990 Je ne sais plus comment je m’appelle.

« J’ai longtemps tenté de comprendre pourquoi on s’étonne de ça, pourquoi c’est comme ça qu’on me perçoit, moi et tant de femmes », dit-elle. Une vaste question à laquelle elle trouvait des pistes de réponses en s’initiant à l’histoire de l’art. Martine St-Clair mène depuis la fin des années 1990 une carrière de peintre.

En m’intéressant au parcours de peintres que j’adore comme Rothko, Richter ou Riopelle, j’ai compris à quel point c’était beaucoup un monde d’hommes et que même les femmes peintres, au même moment qu’eux, ont vécu dans leur ombre, et n’ont été pleinement appréciées que plus tard.

Martine St-Clair

La peinture aura ainsi été pour elle comme une école de l’indocilité. « Je suis encore contente lorsqu’on aime ce que je fais, mais chercher à plaire à tout prix, c’est terminé. Si tu me dis que j’ai mis trop de rouge ou de bleu, je vais juste en mettre plus. » Une gentille mise en garde qu’elle entend au propre comme au figuré.

Martine la rockeuse

Comment en sommes-nous venus à parler de Metallica ? En parlant de Xavier Caféïne, puis de Michel Langevin de la formation Voivod. En 2014, Martine St-Clair lançait la chanson Solo, une incursion dance rock étonnamment réussie pour l’interprète de Lavez, lavez, créée avec l’amant éconduit de Gisèle.

Visionnez le clip de Solo

Son prochain album de nouvelles chansons pourrait-il être réalisé par Xav Caf ? « C’est drôle que tu me poses cette question-là, on s’est parlé cet avant-midi », répond-elle à propos de celui à qui elle a proposé de collaborer après l’avoir croisé sur un plateau de télé. « On est allés manger et on s’est raconté nos vies. Xavier est un punk adorable, un écorché qui a une lumière incroyable et plein de choses à t’apprendre. Je suis sûr que dans une autre vie, il était psychologue ou philosophe. »

Et Michel Langevin de Voivod, là-dedans ? C’est lui qui, dans Solo comme sur plusieurs albums de Caféïne, se trouve derrière les tambours. « Quand il est arrivé en studio, je me suis installée dans la régie pour l’observer. Michel Langevin, ce n’est pas qu’un batteur, c’est un talent immense, incroyable. Ce qu’il joue, ce n’est pas des rythmes, c’est des mélodies. »

Ne vous étonnez donc pas si vous croisez Martine St-Clair au Stade olympique en août, lors d’un des concerts de Metallica. « Leur parcours m’inspire. Ils ont eu plusieurs vies, ils ont été résilients, ils sont encore debout. » And nothing else matters.

Les retrouvailles de Martine St-Clair, le 10 février au Casino de Montréal, et en tournée partout au Québec

Consultez le site de l’artiste