Le gouvernement Legault a été réélu il y a quatre mois, mais le véritable début de son second mandat, c’était mardi, avec la reprise des travaux de l’Assemblée nationale après une très brève session en décembre.

Évidemment, le gouvernement n’a pas chômé pendant toutes ces semaines, mais à partir de maintenant, il ne contrôlera plus totalement le message et devra répondre quasi quotidiennement de ses gestes devant les partis de l’opposition et la presse parlementaire.

Trois grands dossiers vont occuper le gouvernement et l’Assemblée nationale : Hydro-Québec, le français et l’effet des pénuries de main-d’œuvre sur les missions de l’État.

Le débat sur l’énergie s’est engagé dès la nomination de Pierre Fitzgibbon comme ministre responsable du dossier, rapidement suivie – rapport de cause à effet ou pas – par la démission de la présidente d’Hydro-Québec.

On a vu le gouvernement modifier son discours sur cette question au cours des derniers jours. En campagne électorale, le premier ministre François Legault avait pratiquement commandé la construction de nouveaux barrages. Ces derniers jours, il a viré au vert.

Les barrages seront toujours construits, mais ce sera pour décarboner le Québec. Cependant, ça prendra toujours 50 % de plus de capacité électrique. Donc plus de barrages.

Mardi, à l’Assemblée nationale, le premier ministre se réjouissait qu’il y ait trop d’entreprises qui veulent investir au Québec et qu’on « aura le choix des meilleurs projets ».

Le problème, c’est justement que le gouvernement va se retrouver à choisir les gagnants et les perdants dans la course aux kilowatts. Ce qui ne rassure pas tout le monde, surtout quand on sait le respect tout ce qu’il y a de plus scrupuleux qu’a eu le ministre de l’Énergie pour les avis de la Commissaire à l’éthique.

Il va falloir un mécanisme avec une transparence absolument exemplaire pour éviter l’arbitraire et le favoritisme dans le choix des projets qui seront retenus.

Le second dossier qui va occuper le gouvernement est la question du français, avec la formation d’un comité ministériel qui va se pencher sur les moyens « d’arrêter d’essayer d’exister », selon les mots du ministre de la Langue française, Jean-François Roberge.

C’est étonnant parce qu’il y a quelques mois seulement, le gouvernement soutenait que la loi 96, adoptée peu avant les élections, devait faire exactement cela. Aujourd’hui, c’est comme si cette loi avait été écrite à la craie sur un tableau noir. On essuie et on recommence…

C’est la preuve que la loi 96 était essentiellement un exercice de relations publiques destiné à montrer – avant les élections – que le gouvernement se souciait du sort du français. Une loi qui ne faisait que resserrer le boulon de certaines mesures de la loi 101, sans vision d’ensemble et avec peu d’impact structurant.

Encore faudrait-il s’entendre sur les moyens de déterminer les progrès ou les reculs. Dans sa conférence de presse, M. Roberge parlait d’un tableau de bord – c’est le remède à la mode – qui tiendrait compte de la langue de consommation de la culture, la langue parlée à la maison et la langue parlée au travail.

Dans les deux premiers cas, il est loin d’être certain que c’est un indicateur pertinent. La langue parlée à la maison des nouveaux arrivants va le plus souvent être la langue d’origine. On peut parler le français dans la sphère publique et continuer d’utiliser l’espagnol ou l’arabe à la table du souper.

L’important, c’est que le français soit la langue commune et celle de l’espace public. Cela n’exclut pas l’usage de sa langue d’origine dans la vie privée.

De même, la langue de consommation de la culture est loin d’être un indicateur fiable ou même pertinent. Même les francophones de souche consomment de la musique en anglais et ils seront sans doute en majorité au spectacle de Madonna quand elle passera par Montréal…

Finalement, il y a les missions essentielles de l’État : la santé, l’éducation et la justice. Dans ces trois secteurs, les pénuries de main-d’œuvre constituent la cause principale des ruptures de service, de plus en plus fréquentes et nombreuses.

De plus en plus, le gouvernement caquiste essaie de dire que la solution lui échappe. Le premier ministre répète que la pénurie d’infirmières est un phénomène mondial, ce qui est certainement exact, mais qui ne console pas quelqu’un qui vient de voir ses rendez-vous ou ses traitements remis.

C’est ce qui risque de créer le plus de problèmes au gouvernement au cours des prochaines années. Et comme la CAQ n’est plus un nouveau gouvernement, mais un parti au pouvoir depuis presque cinq ans, il ne peut plus jeter le blâme sur ses prédécesseurs ou sur la situation internationale. En santé, particulièrement, les soins retardés et les listes d’attente peuvent vite devenir une crise majeure.

En politique, le deuxième mandat est très rarement plus facile que le premier. Et tout le monde comprend que le mandat actuel sera particulièrement difficile.