Le ministre responsable de la Langue française, Jean-François Roberge, annonçait récemment le lancement d’un grand chantier pour freiner le déclin de la langue française. Il s’inscrit dans la foulée des mesures adoptées ces dernières années par le gouvernement provincial, à commencer par la loi 96, qui est venue resserrer certaines dispositions de la loi 101.

Il constitue également une réaction aux statistiques sur l’utilisation de la langue française à la maison, au travail et dans le commerce, qui semble être en net recul. Bien que certaines de ces statistiques soient plutôt encourageantes lorsqu’on s’y attarde un peu, la question de la préservation du français demeure. Dans un contexte nord-américain et même global où l’anglais exerce un attrait de plus en plus grand, il apparaît nécessaire de mettre des mesures en place pour assurer la pérennité du français.

Cette annonce du ministre m’interpelle fortement. D’abord parce que je suis traductrice de formation et de profession. Mon métier me permet de contribuer à la vitalité du français puisque je transpose de l’anglais des communications destinées au public québécois. J’ai toujours tiré une grande fierté à la pensée que mon travail au quotidien – et celui des équipes que j’ai dirigées au fil du temps – permettait au personnel ou à la clientèle à qui s’adressait ces communications de bien comprendre un message, d’accomplir des tâches correctement ou de faire un choix de consommation avisé. Ensuite parce que dans le cadre de ma maîtrise, j’ai établi de nombreux parallèles entre la langue et la responsabilité sociale.

Ayant œuvré au cours des 15 dernières années comme responsable des politiques de francisation de grandes entreprises ayant pignon sur rue au Québec, j’ai une expérience de terrain qui me démontre sans équivoque que le français comme langue du travail a besoin d’un bon coup de main.

J’ai aussi constaté que l’approche de francisation varie grandement d’une entreprise ou d’un secteur à l’autre. Les exigences accrues enchâssées dans la loi 96 forcent les entreprises à entamer une réflexion sur les mesures qu’elles prenaient jusqu’ici ou qu’elles devront prendre dorénavant pour se conformer à la loi.

Certaines organisations ont pris conscience de l’importance d’inclure le français dans leurs politiques. Elles ont compris que faire des affaires en français et offrir des outils de travail à leur personnel, notamment, est la bonne chose à faire.

D’autres entreprises se conforment à reculons. Plutôt que de voir la langue française comme un investissement pour se démarquer sur le marché québécois et pour favoriser la mobilisation de leur main-d’œuvre, elles voient ces mesures comme un mal nécessaire. Je crois que cette approche est bien davantage le symptôme d’une méconnaissance des objectifs visés par les obligations linguistiques que du mépris envers la langue française et ses locuteurs et locutrices.

Ces entreprises doivent comprendre que notre langue française fait partie de la culture et de l’identité québécoises, et je ne parle pas d’identité au sens politique du terme.

L’UNESCO a choisi de faire des années 2022-2032 la décennie des langues autochtones. La communauté internationale s’entend pour dire que les langues en danger doivent être protégées, puisqu’il est tout naturel de vouloir préserver ce qui fait intrinsèquement partie de son identité. Le chantier annoncé se veut donc une excellente occasion d’unir nos efforts autour de cet objectif commun de protection.

On peut supposer que de grandes organisations comme le Conseil du patronat du Québec ou la Fédération des chambres de commerce du Québec feront partie des travaux. On aurait également intérêt à inclure des gens de terrain, comme des responsables de la francisation dans les entreprises ou des membres de comités de francisation, dont l’expérience pratique est inestimable dans le cadre d’un tel chantier. Pour être couronné de succès, ce chantier doit tenir compte de la réalité quotidienne des parties prenantes et répondre à leurs préoccupations.

Alors, à l’appel du ministre Roberge à agir pour l’avenir de la langue française, je réponds présente. J’espère que toutes les organisations qui œuvrent au Québec feront de même.

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