Le Québec commémore le sixième anniversaire de la tuerie à la grande mosquée de Québec qui a eu lieu le 29 janvier 2017. Cette tuerie a laissé six pères de famille tués, six veuves, dix-sept orphelins et un père de famille tétraplégique. Plusieurs personnes qui étaient à la mosquée au moment de la tuerie seront traumatisées pour la vie.

Cette semaine nous rendrons hommage à Boubakr, Khaled, Abdelkrim, Izziddine, Mamadou et Ibrahima qui ont perdu la vie dans la fusillade de la Mosquée. Nous montrons aussi notre solidarité avec Ayman Derbaly que la fusillade a rendu paraplégique.

Il y a six ans, le 3 février 2017, lors de mon hommage aux victimes du massacre, j’ai lancé un appel sincère demandant que l’après-29 janvier 2017 soit différent d’avant le 29 janvier 2017. J’ai également fait appel à nos dirigeants et à toute la société afin de prendre les mesures nécessaires pour que ces victimes soient les dernières victimes des actes de haine et de la propagande haineuse. Malheureusement, il y a eu d’autres attaques et d’autres victimes, pas au Québec, mais ailleurs au Canada et dans le monde.

Le risque que la haine fasse encore d’autres victimes innocentes, ici et ailleurs, subsiste toujours. Étant québécois, je vais consacrer ma réflexion au Québec.

Je crains un dérapage qui pourrait nous amener à la même place où on était à la veille de la tuerie de la mosquée de Québec en janvier 2017.

On peut se rappeler l’atmosphère qui régnait au Québec à cette époque à la suite de la controverse des accommodements raisonnables et de ses effets. Cette atmosphère et la montée du populisme au sud de la frontière ont contribué à la radicalisation de l’auteur de la tuerie de la mosquée de Québec. Le procès de cet assassin a révélé son admiration pour Trump et la peur qu’il avait des étrangers, qui allaient tuer sa famille, pensait-il, surtout avec l’arrivée des réfugiés syriens.

Éviter les amalgames

Il y a deux facteurs qui risquent de contribuer à une détérioration de la relation entre la société québécoise et les Québécois de confession musulmane ; un facteur externe, l’autre interne. Le facteur externe est ce qui se passe dans le monde musulman, notamment en Iran et en Afghanistan et le reflet de ces développements malheureux sur l’image de l’islam et des musulmans. Le facteur interne est le résultat direct ou indirect du débat de société que le Québec connaît ces jours-ci autour de l’identité nationale, l’immigration, la nécessité de la protection de la langue française et de la culture québécoise.

Nous ne pouvons pas ignorer ce qui se passe ailleurs dans le monde. Par contre, il faut éviter les amalgames et les accusations par association. Il ne faut pas tenir les Québécois ou les Canadiens de confession musulmane responsables de ce qui se passe ailleurs dans le monde. De la même façon que les Québécois ne sont pas responsables du crime haineux de l’auteur de la tuerie dans la mosquée, les Québécois de confession musulmane ne sont pas responsables des actes d’autres musulmans ailleurs dans le monde.

En ce qui concerne le débat entourant l’identité nationale qui est présentement très vivant au Québec, il faut certainement protéger l’identité québécoise et la culture québécoise. Il faut aussi non seulement protéger la langue française, mais aussi l’enrichir. Par contre, insinuer que les néo-Québécois, y compris les Québécois de confession musulmane, représentent une menace à la nation québécoise et qu’ils sont des ennemis de la culture québécoise et de la langue française est un danger qu’on doit éviter.

Le néo-Québécois n’est pas un ennemi ni une menace. Il est un concitoyen comme tous les autres. C’est le médecin qui nous examine, l’infirmière qui nous soigne, le chauffeur de taxi qui nous offre le transport, le professeur qui nous enseigne, et j’en passe.

Les gens qui viennent se joindre à nous sur cette terre accueillante ne viennent pas comme envahisseurs. Ils viennent pour faire une nouvelle vie pour eux et pour leurs familles. Ce faisant, ils bâtissent avec nous le Québec et le Canada. C’est à nous, surtout nos gouvernements, de les aider à apprendre le français, à vivre en français et à bien s’intégrer et être des membres actifs et productifs de la société.

Le débat de société est important et doit avoir lieu avec sérénité, prudence et responsabilité. Il faut bien soigner ses mots. Avec un arbre, on peut faire des milliers, voire des millions d’allumettes. Mais ça prend une seule allumette pour incendier toute une forêt. Les mots sont aussi forts qu’un arbre et aussi destructeurs qu’un incendie. Qu’on fasse attention à ce qu’on dit : ça peut mener loin. Nous l’avons vécu le 29 janvier 2017.

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