Nicous D’Andre Spring est mort le 24 décembre dernier après une intervention au poivre de Cayenne entre les murs de l’Établissement de détention de Montréal (EDM), mieux connu sous le nom de prison de Bordeaux.

Que s’est-il passé exactement ? On sait que les agents correctionnels ont utilisé un masque anti-crachat. Les médias ont également rapporté que l’utilisation du gaz poivre a été problématique et n’aurait pas respecté le protocole, mais il manque encore beaucoup d’informations pour avoir un portait complet.

Manque de formation ? Attitude des agents impliqués ? Discrimination à l’endroit du détenu noir ? Les questions sont nombreuses.

Sa famille a le droit de connaître les circonstances exactes de la mort du jeune homme de 21 ans qui devait être libéré la veille.

La population québécoise aussi.

Il y aura au moins trois enquêtes sur cette tragédie.

Une enquête criminelle de la Sûreté du Québec (SQ), une enquête administrative du ministère de la Sécurité publique et une enquête du Bureau du coroner.

La Coalition rouge, un groupe de pression qui œuvre à éliminer la pratique du profilage racial, réclame une enquête publique indépendante du coroner semblable à celle qui a fait la lumière sur les circonstances de la mort de Joyce Echaquan. La coalition souhaite que le coroner se penche sur la question du racisme systémique.

Le Bureau du coroner doit absolument l’envisager.

Une telle démarche aiderait à mieux comprendre le contexte dans lequel est mort le jeune homme détenu illégalement.

Elle permettrait en outre de mieux comprendre la réalité des prisonniers noirs dans les centres de détention du Québec. Si elle est semblable à celle qu’on observe dans les prisons fédérales, il y a du pain sur la planche.

Dans son plus récent rapport annuel, l’enquêteur correctionnel – l’ombudsman des détenus au fédéral – a mis l’accent sur la situation des prisonniers noirs. Ils sont nettement surreprésentés dans les services correctionnels fédéraux. De plus, les personnes noires « sont plus susceptibles d’être impliquées dans un incident de recours à la force, quel que soit le niveau de risque ou de sécurité, l’âge, la durée de la peine ou le sexe », peut-on lire dans son rapport.

Le DIvan Zinger suggère l’élaboration d’une stratégie nationale qui aborderait spécifiquement leur réalité ainsi qu’une programmation correctionnelle ciblée et adaptée à leurs besoins. Il propose aussi la mise sur pied d’un programme d’agents de liaison consacré aux besoins des personnes de race noire (il en existe déjà un à la prison de Cowansville) ainsi que des études pour monitorer l’efficacité de ces mesures.

La situation est-elle comparable dans les centres de détention sous la responsabilité de Québec ? Il existe peu de données probantes à ce sujet.

L’équivalent au Québec de l’enquêteur correctionnel, le Protecteur du citoyen, ne s’est jamais penché sur la situation précise des détenus noirs.

Tout ce qu’on sait, c’est que ces derniers sont surreprésentés dans les prisons québécoises. Dans une note de l’IRIS publiée en novembre 2021 – Le profil des personnes judiciarisées au Québec –, les chercheurs Pierre Tircher et Gillaume Hébert notaient que les personnes racisées comptaient pour 33 % de la population carcérale, une proportion 2,6 fois plus importante que leur représentation dans la population générale (13 %). Or ces données s’avéraient pour le moins imprécises puisque les Services correctionnels du Québec classent les personnes racisées selon un système discutable de teints de peau (de pâle à foncé) qui exclut donc les personnes à la peau plus claire.

Il est donc légitime de se demander si les intervenants responsables de la gestion des 18 centres de détention québécois ont un portrait juste de la situation des détenus noirs ainsi que les outils nécessaires pour les accompagner et les traiter sans discrimination.

Pour le savoir, il faut une enquête publique indépendante.

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