Il y a des limites à dire n’importe quoi, et Pierre Poilievre les a franchies encore une fois mardi.

Il réagissait à la décision de Meta de bloquer l’accès aux contenus des médias d’information sur ses plateformes Facebook et Instagram – un geste d’intimidation en riposte à l’adoption de la Loi sur les nouvelles en ligne, issue du projet de loi C-18. « Je trouve incroyable que, dans une démocratie, le premier ministre ait adopté une loi pour faire disparaître les nouvelles de l’internet », a déclaré le chef du Parti conservateur.

Or, c’est absolument faux.

La loi, qui n’entrera en vigueur qu’en décembre prochain, ne censure pas l’internet. Elle oblige les géants du web à négocier avec les médias d’information des redevances pour leurs contenus.

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M. Poilievre aurait pu faire comme ses collègues du Bloc québécois et du Nouveau Parti démocratique et dénoncer l’attitude belliqueuse de Mark Zuckerberg. Il aurait pu s’inquiéter de l’effet de cette décision sur les médias d’information crédibles, lui qui dit craindre pour la santé de notre démocratie.

Il a plutôt choisi de déformer la réalité, poussant l’odieux jusqu’à comparer le Canada à la Corée du Nord, ce qui est franchement ridicule.

S’il avait vraiment les intérêts du Canada à cœur, lui qui aspire à le diriger un jour, M. Poilievre aurait dénoncé la tactique des géants du web pour faire plier le gouvernement canadien. Aujourd’hui c’est Meta. Demain ce sera sans doute Alphabet, la société mère de Google, qui menace d’emboîter le pas.

Ces entreprises multimilliardaires – avec des chiffres d’affaires pour 2022 de 116 milliards US pour Meta et de 283 milliards pour Alphabet – ont utilisé la même tactique en Australie en 2021. Le blocage a duré quelques jours, puis les partis ont négocié. Mais ils ont fait mal aux médias d’information en plombant la circulation sur leur site. Le rapport de forces est inégal.

Difficile de prévoir combien de temps durera ce petit jeu puéril et dangereux. Les yeux sont tournés vers la nouvelle ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, qui connaît bien le dossier puisqu’elle a déjà présidé la Fédération nationale des communications et de la culture. On espère qu’elle soit aussi pugnace que lorsqu’elle a géré la crise impliquant Hockey Canada.

En attendant, il faut rassurer les Canadiens qui ne pourront plus accéder aux sites de nouvelles par l’entremise des plateformes numériques de Meta : il y a une vie en dehors de Facebook et d’Instagram.

Tous les médias – les nationaux comme les locaux – ont un site internet qu’on peut consulter directement pour s’informer. Les grands médias ont également des applications mobiles qu’on peut installer sur nos téléphones, nos ordinateurs et nos tablettes, et qui peuvent nous aviser lorsqu’une nouvelle de dernière heure survient, ce que les plateformes numériques ne font pas.

L’intimidation est une arme à double tranchant. Qui sait si, à long terme, elle ne se retournera pas contre les géants du web ?

En bloquant l’accès aux nouvelles vérifiées, produites par des journalistes soumis à des règles strictes d’éthique et de déontologie, les Facebook et Instagram de ce monde courent le risque de devenir un repaire de fausses nouvelles et de théories du complot.

Est-ce vraiment ce genre de contenus que les plateformes numériques veulent mettre de l’avant ? Si oui, cela pourrait pousser leurs abonnés vers la sortie.

Quant à ceux et celles qui, une fois les médias d’information bannis, continueront de s’informer uniquement sur les plateformes numériques, ils seront exposés à des informations qui se fichent de la vérité. Comme les propos de Pierre Poilievre sur la Loi sur les nouvelles en ligne.

On ne peut que le déplorer.

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