On l’a espéré, analysé, critiqué… Enfin ça y est, le REM accueillera ses premiers vrais clients ce lundi. En fait, une portion du REM puisque le train desservira seulement cinq stations entre Brossard et la gare Centrale pour commencer.

Il en a coulé de l’eau sous les deux ponts Champlain depuis qu’on a parlé du REM la première fois, en 2016. À l’époque, Michael Sabia dirigeait la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), Philippe Couillard était premier ministre du Québec, Pierre Karl Péladeau était chef de l’opposition et le locataire de l’hôtel de ville de Montréal se nommait Denis Coderre. On ne disait même pas REM, mais bien SLR pour Système léger sur rail.

Ce projet qui devait initialement rouler à la fin 2020 et coûter autour de 5,5 milliards de dollars, aura finalement pris trois ans de plus. Quant à la facture finale, elle devrait dépasser les 7 milliards de dollars.

Entre l’enthousiasme du début et l’excitation de l’inauguration, il y a eu une explosion dans le tunnel Mont-Royal, le report d’une connexion avec l’aéroport Trudeau à 2027, une pandémie, et le choc de voir apparaître des pylônes géants sur l’île ainsi que des caténaires sur le magnifique pont Samuel-De Champlain. Cet enchevêtrement de fils n’apparaissait sûrement pas sur le croquis d’origine de l’architecte danois Poul Ove Jensen !

La plus grande source d’irritation demeure toutefois le bruit qui empoisonne l’existence de résidants de Pointe-Saint-Charles et de Griffintown 20 heures par jour, 7 jours sur 7. Ce problème doit être réglé rapidement.

En 2016, Michael Sabia avait déclaré : « Chaque fois que vous prendrez le train, vous consoliderez votre régime de retraite. » Aujourd’hui, on pourrait ajouter : « Chaque fois que vous prendrez le train, vous éviterez un voyage en auto. »

Car plus que jamais, le REM s’inscrit dans une volonté d’encourager les gens à délaisser l’auto au profit du transport collectif. Si les gens embarquent, l’arrivée du REM pourrait marquer un tournant dans la grande région de Montréal et, qui sait, insuffler l’énergie et la motivation qui manquent au Québec pour développer en continu des projets de transport collectif.

Pour toutes ces raisons, le REM est condamné au succès.

Or le pari est loin d’être gagné.

D’abord parce que l’arrivée de ce nouveau mode de transport collectif chamboule considérablement les habitudes de plusieurs usagers de la Rive-Sud. Les perdants du 450 sont ceux qui prenaient un seul autobus pour se rendre directement au centre-ville. Ces navetteurs devront désormais faire un changement à la gare du REM, ce qui représente une perte d’efficacité dans leurs déplacements.

Il faudra attendre la rentrée de septembre pour observer la réponse des usagers.

Le gros défi : attirer de nouveaux navetteurs qui n’empruntaient pas déjà le transport collectif. Les convaincre de laisser leur auto dans l’un des stationnements incitatifs du REM ou, mieux encore, de prendre l’autobus qui les mènera à l’une de ces stations et de laisser l’auto à la maison. Ce n’est pas gagné.

Un des problèmes : la grille tarifaire rigide de l’ARTM qui rend les passages occasionnels trop onéreux.

Au micro du 98,5 cette semaine, le porte-parole de la CDPQ invitait les familles qui se rendent à Montréal le week-end à prendre le train.

Or pour une famille de Brossard qui compte deux parents et deux enfants, il en coûterait 30 $ pour un aller-retour au Quartier des spectacles en REM. Le même déplacement en auto coûterait entre 15 et 20 $, stationnement et essence compris, et sans le transfert du REM au métro.

Si on veut diminuer le nombre d’autos qui entrent à Montréal le week-end, il faut que les tarifs soient plus avantageux pour les familles.

Par contre, le REM devient beaucoup plus intéressant pour un travailleur du centre-ville en mode hybride qui se rend à Montréal avec sa voiture deux fois par semaine. Si on compte un stationnement à 25 $ par jour (un tarif très raisonnable), sans compter l’essence, on arrive à 200 $ par mois. Et c’est sans considérer les frustrations causées par la circulation.

La carte OPUS mensuelle tous modes AB coûte 155 $ et peut être utilisée tout le mois pour aller partout dans la région métropolitaine. Est-ce que cela convaincra les gens de changer leurs habitudes ? Il faut l’espérer.

En 2016 notre collègue Francis Vailles citait une étude de la firme SDG qui avait sondé les intentions des usagers. Les résultats n’étaient pas très encourageants, on notait un noyau dur qui ne voulait rien savoir de laisser tomber l’auto, peu importe les prix et les tracas.

Mais depuis, sept années ont passé. Et les conséquences des changements climatiques nous pètent au visage. Il faut souhaiter que ce soit assez pour convaincre ceux qui vivent dans des milieux très bien desservis par les transports collectifs de laisser l’auto à la maison.

Tous les regards sont tournés vers le REM. Avec raison, car c’est le plus important projet de transport collectif à Montréal depuis le métro. L’adhésion des usagers et leur degré d’enthousiasme au cours des prochains mois auront un impact certain sur l’avenir du projet de transport collectif dans l’est de Montréal. Et sur la volonté d’investir dans d’autres projets de transport collectif structurants au Québec.

Pour toutes ces raisons, il faut que le REM soit une réussite.

Rectificatif
Ce texte a été modifié afin de préciser que le coût de la carte mensuelle Opus tous modes AB est de 155 $. Une version antérieure de ce texte indiquait que le coût était de 190 $. Il s’agit plutôt du coût de la carte tous modes ABC.

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