La question n’est pas de savoir s’il faut aménager une toute première piste cyclable sécurisée dans Parc-Extension.

Cette piste, qui reliera de nombreux parcs et écoles du quartier et permettra aux cyclistes de rouler sans crainte de se faire emportiérer, est nécessaire. Encore ce mois-ci, un cycliste a été mortellement happé par un camion à Montréal.

La question est plutôt de savoir s’il est possible de faire de tels projets sans soulever chaque fois une levée de boucliers. La Ville a-t-elle tout fait pour bien informer les résidants et minimiser les inconvénients ?

Dans le cas de Parc-Extension, on n’est pas devant un projet bâclé. S’il semble causer la surprise chez plusieurs, ce projet figurait déjà dans le Plan vélo de 2019. Il était aussi inscrit au « Plan vision vélo 2023-2027 » dévoilé l’an dernier.

Au printemps, des dépliants ont été distribués aux résidants et une séance d’information a été tenue.

On est loin de l’attitude cowboy de l’administration Plante qui, pendant la pandémie, avait déployé des « voies actives sécuritaires » pour favoriser la distanciation physique en bousculant considérablement les habitudes des citoyens.

Inondé de plaintes, l’Ombudsman de Montréal avait alors accouché de recommandations pour les futurs aménagements semblables1.

À la lumière de ce document, il semble que, de façon générale, les bonnes pratiques ont été suivies dans Parc-Extension. On peut quand même se demander s’il n’y a pas lieu de faire encore mieux pour tenter d’atténuer la malheureuse aversion de certains résidants envers les pistes cyclables.

***

À ceux qui trouvent que « les vélos prennent toute la place à Montréal », soulignons que dans l’arrondissement de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension, la proportion de la voirie consacrée à cet effet n’est que de 1,3 %, contre 70 % pour la voiture, 23 % pour les piétons et 2,2 % pour le transport collectif2. Les chiffres sont essentiellement les mêmes pour l’ensemble de la ville de Montréal.

C’est peu, sachant que le vélo représente 3,3 % des déplacements à Montréal, comme nous l’écrivions récemment3. Ce à quoi on assiste est donc un très léger rééquilibrage.

L’autre argument souvent entendu, c’est que les pistes cyclables ne sont pas utilisées. Il suffit de se promener sur le REV Saint-Denis, sur De Maisonneuve, sur Bellechasse ou le long du canal de Lachine à l’heure de pointe pour constater à quel point c’est faux.

Desservis uniquement par des bandes cyclables qui ne protègent pas des voitures, les résidants de Parc-Extension ne sont peut-être pas si friands du vélo. Mais construisons-leur de vraies pistes sur lesquelles les enfants et les moins téméraires se sentiront en sécurité et on verra ce qu’on a vu partout ailleurs : les cyclistes viendront.

Il reste un point plus sensible, et il se produit lorsque l’aménagement de pistes cyclables entraîne la perte d’espaces de stationnement. C’est ce qui se produira dans Parc-Extension avec le retrait de 250 places.

Oui, on cherche à réduire le nombre de voitures à Montréal. Mais on comprend néanmoins les automobilistes de se sentir bousculés. C’est d’autant plus vrai que dans un quartier comme Parc-Ex, on assiste à un certain choc culturel entre les résidants de longue date et ceux qui y débarquent avec une nouvelle vision.

Voilà pourquoi la Ville a le devoir de bien expliquer les projets de pistes cyclables. Dans le cas de Parc-Extension, l’opposition représentée par Ensemble Montréal (par ailleurs en faveur de pistes sécurisées) affirme ne pas avoir reçu de réponses à des demandes d’information. C’est problématique.

On peut aussi se demander s’il est possible de penser « à l’extérieur de la boîte » afin d’adoucir la pilule pour les gens touchés. Dans Parc-Extension, de grands espaces de stationnement se retrouvent libres le soir autour des commerces et entrepôts de l’avenue Beaumont. Ne pourraient-ils pas être utilisés par les citoyens ?

Certains verront toujours les pistes cyclables comme l’incarnation du diable en personne, quoi que la Ville fasse. Ça ne change rien au fait qu’il faut travailler à ce que leur implantation se fasse le plus harmonieusement possible.

1. Consultez le rapport de l’Ombudsman 2. Consultez les données du partage de la voirie 3. Lisez « Québec pédale moins vite que nous » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion