Il se passe quelque chose au Québec en matière de vélo. Et on ne parle pas des 36 000 cyclistes qui envahissent les rues de Montréal ce week-end pour le Tour de l’île.

Les Québécois sont de plus en plus nombreux à voir le vélo pas seulement comme un sport agréable, mais aussi comme un moyen de transport efficace.

Vous voulez des preuves ? Au cours de la dernière année :

– Montréal a doublé son budget pour les pistes cyclables et multiplie ses autoroutes pour les vélos (les REV, pour Réseau express vélo) ;

– la Ville de Québec inaugurera dans quelques semaines sa version du REV sur le chemin Sainte-Foy, et cette piste sera ouverte toute l’année ;

– le maire de Lévis insiste pour que l’on construise une piste cyclable plus large sur le pont de Québec ;

– Longueuil quadruplera son nombre de stations BIXI ;

– BIXI fera ses débuts en hiver à Montréal.

Le vélo prend de plus en plus de place dans notre cocktail transport, et c’est tant mieux.

C’est un excellent moyen de transport pour la santé, en réduisant les risques de cancer, de diabète et d’obésité1.

C’est excellent pour l’environnement. Remplacer un trajet quotidien aller-retour d’auto par le vélo signifie une réduction d’une tonne de CO2/an. Un Québécois émet en moyenne 8,7 tonnes de CO2/an2.

C’est aussi excellent… pour nos finances publiques. Les pistes cyclables ne coûtent aux contribuables qu’une fraction du prix des routes et des transports collectifs. Selon une étude citée par la Ville de Québec, un kilomètre en auto coûte 4,9 fois plus cher à la société qu’un kilomètre en autobus et 25 fois plus cher qu’un kilomètre à vélo3.

Malgré notre enthousiasme, on ne plaide pas pour que tous les citoyens urbains du Québec se déplacent 100 % du temps à vélo. Ça n’aurait pas de bon sens. Ni en été ni en hiver.

Mais on doit rendre le vélo beaucoup plus attrayant comme moyen de transport dans les 25 villes québécoises où la densité de population est suffisante. Après tout, Rotterdam, un paradis du vélo aux Pays-Bas, a une densité de population légèrement inférieure à celle de Sainte-Thérèse…

En 2018, le vélo représentait 3,3 % des déplacements sur l’île de Montréal (ce chiffre est probablement aux environs de 5,3 % en 2022, selon notre estimation4), 1,3 % à Longueuil et 1,6 % à Québec. C’est très peu. La Ville de Montréal a comme objectif d’atteindre 15 % en 2028. Rien à voir avec Copenhague (41 %), Amsterdam (32 %) ou Rotterdam-La Haye (23 %), mais c’est réaliste et souhaitable.

Les Danois et les Néerlandais ont choisi de financer adéquatement leur réseau de pistes cyclables. La France, qui vient d’annoncer un plan vélo ambitieux, investira deux fois plus par citoyen que le Québec.

Qu’on soit en Europe ou au Québec, si les gouvernements construisent des pistes cyclables sécuritaires en milieu urbain (ex. : le REV), les cyclistes seront au rendez-vous, et l’investissement sera très rentable. Surtout avec un système de vélo en libre-service (ex. : BIXI) qui a des vélos à assistance électrique permettant de parcourir de plus grandes distances.

Bien sûr, ça va déranger au début. Rappelez-vous le psychodrame autour du REV Saint-Denis en 2020. Trois ans plus tard, le REV est un immense succès. On demande même à Montréal de développer plus vite son réseau de pistes cyclables sécuritaires.

Si le REV Saint-Denis est un succès, pourquoi n’est-il pas copié dans 25 autres villes au Québec ? Principalement parce que le gouvernement du Québec pédale beaucoup moins vite que les citoyens.

Québec sous-investit dans les pistes cyclables. C’était comme ça avant la CAQ, et ça le demeure. Certes, on vient de hausser son budget en transport actif de 10 millions par an pour atteindre 55 millions par an. Mais cette hausse est largement insuffisante. En 2023-2024, Québec investira dans le transport actif environ 1,6 % de son budget total pour les routes et le transport actif (piétons, pistes cyclables). C’est très peu, considérant que le vélo représentait déjà 1,6 % des déplacements à Québec en 2018 (avec des infrastructures déficientes) et 3,3 % des déplacements à Montréal en 2018 (sans le REV).

Au moins, à Montréal, l’administration Plante vient de doubler le budget annuel des pistes cyclables, de 17 millions à 41 millions par an. C’est une excellente nouvelle.

Autre bonne nouvelle : le gouvernement Trudeau a lancé en 2021 le premier fonds fédéral pour le transport actif. Sauf que le Québec n’a pas reçu sa part (environ 18 millions par an) depuis deux ans à cause d’une chicane Québec-Ottawa. Une entente a eu lieu récemment, et l’argent commencera bientôt à être dépensé. Enfin !

Les principales villes du Québec ont la volonté de faire davantage de place au vélo, mais elles manquent d’argent. Juste à Québec, le maire Bruno Marchand a un plan vélo de 100 millions sur cinq ans et aimerait que le gouvernement provincial en paie la moitié.

La solution à ce problème réside dans les coffres du gouvernement Legault. Vélo Québec demande au gouvernement du Québec de faire doubler son financement du transport actif, qui passerait de 55 à 100 millions par an. Si le gouvernement Legault voulait pédaler au rythme des Québécois, il accéderait à cette demande. À 100 millions par an, Québec réserverait environ 3 % de son budget routes/transport actif pour les transports actifs. Ce serait plus équitable.

On financerait enfin le vélo comme un véritable moyen de transport. Et cet investissement serait très rentable à tous les points de vue.

1. Source : mémoire de Vélo-Québec pour les consultations prébudgétaires 2023-2024.

2. Étude de Christian Brand et une dizaine d’autres chercheurs : The climate change mitigation impacts of active travel : Evidence from a longitudinal panel study in seven European cities, 2021 Source pour l’empreinte carbone annuelle des Québécois : Institut de la statistique du Québec et Le Devoir

Lisez l’étude (en anglais) Lisez le texte du Devoir

3. Étude disponible sur le site web de la Ville de Québec

Lisez l’étude

4. Les chiffres de 2018 proviennent de l’État du vélo 2020 de Vélo-Québec. Nous avons mis à jour la part modale du vélo à Montréal en l’augmentant de 66 % (de 3,3 % à 5,3 % des déplacements) et en nous basant sur le fait que le nombre de déplacements de BIXI a augmenté de 66 % entre 2018 et 2022. Cette estimation de 5,3 % est imparfaite. Les prochains chiffres officiels seront pour l’année 2025.

En savoir plus
  • 29 $ par citoyen
    La France vient d’annoncer un plan vélo de 6 milliards d’euros sur plusieurs années. Ça revient à un investissement d’environ 20 euros (29 $ CAN) par citoyen par année, selon les calculs de la Fédération française des usagers de la bicyclette.
    SOURCES : Vélo-Québec et Fédération française des usagers de la bicyclette
    15 $ par citoyen
    Au Québec, tous ordres de gouvernement confondus, les pouvoirs publics investissent un peu moins de 15 $ par citoyen par année dans les infrastructures pour le transport actif (vélo et piétons).
    SOURCE : estimations de Vélo-Québec à partir des données publiques
  • 9326
    Nombre de cyclistes qui ont utilisé le REV Saint-Denis mardi dernier (au passage le plus achalandé). À titre de comparaison, il y a environ 8700 autos par jour en moyenne qui utilisent la route 132 à la hauteur de Rimouski.