Demandez à n’importe quel Montréalais de nommer un évènement marquant dans l’histoire de sa ville et les chances sont élevées qu’il réponde : l’Expo 67.

L’exposition universelle n’a pas seulement marqué profondément l’imaginaire montréalais, elle a laissé une trace indélébile dans l’histoire du Québec : ouverture au monde, à l’immigration et aux autres cultures, modernisation de nos infrastructures, etc. Il y a un « avant » et un « après » Expo 67. On devrait donc préserver et chérir tout ce qui s’y rattache.

Or ce n’est pas exactement ce qui se passe, comme l’illustre le plus récent bilan de santé du Galopant, l’emblématique carrousel de La Ronde.

C’est la troisième fois qu’un manège de La Ronde fait la manchette pour les mauvaises raisons. La Pitoune, qui a cessé de dévaler sa chute d’eau en 2017, a été démantelée l’année suivante. En 2022, c’est le Minirail qui a fait son dernier tour de piste. La Ronde, qui disait à l’époque songer à une manière de lui rendre hommage, n’avait pas averti la Ville de Montréal de sa décision.

PHOTO LUCIE LAVIGNE, ARCHIVES LA PRESSE

Le Galopant en 2008

Quant au carrousel, immortalisé dans le générique du téléroman Quelle famille !, il a été restauré au début des années 2000 au coût de 1 million de dollars. Mais l’intervention n’a pas été suffisante pour assurer la longévité de ce superbe manège fabriqué en Belgique en 1885. Il ne tourne plus depuis 2019.

Des discussions à propos de son avenir sont en cours. La Société du parc Jean-Drapeau (SPJD) s’est dite prête à encadrer Six Flags pour mettre en place un plan de conservation.

Il le faut absolument. On ne peut pas laisser entre les seules mains d’une entreprise étrangère le soin de préserver le patrimoine d’ici.

On doit également se demander s’il ne faudrait pas carrément sortir le carrousel de La Ronde et l’installer ailleurs dans la ville afin que tout le monde puisse l’admirer.

Avouons qu’il serait magnifique tout près de l’hôtel de ville, dans le Vieux-Montréal…

Chose certaine, il faut le protéger. C’est quand même incroyable que la Ville de Montréal n’ait jamais exigé de Six Flags un plan d’entretien et de conservation en bonne et due forme. On aurait pu éviter certaines décisions malheureuses.

Plus largement, comment expliquer qu’il n’y ait aucun endroit où sont rassemblés des objets, des archives visuelles, et des souvenirs de l’expérience d’Expo 67 ? Un lieu qui serait accessible au public en tout temps ?

On trouve quelques groupes Facebook tenus à bout de bras par des passionnés de patrimoine de l’Expo 67, mais aucune structure ou institution pour assumer ce devoir de mémoire essentiel.

Il y a bien eu quelques expositions ponctuelles – dont plusieurs en 2017 lors du 50anniversaire de l’Expo –, mais il n’existe aucun lieu permanent rappelant ce moment clé de notre histoire.

Depuis la fermeture de Terre des Hommes en 1984, les anciens pavillons de l’Expo ont connu des sorts différents : quelques-uns ont été démantelés et reconstruits ailleurs sur la planète tandis que l’ancien pavillon des États-Unis – la spectaculaire sphère imaginée par Richard Buckminster Fuller – s’est trouvé une vraie vocation avec la Biosphère. On s’est habitués à l’idée qu’un casino occupe les anciens pavillons de la France et du Québec et on est allés à quelques mariages dans les anciens pavillons de la Jamaïque et du Canada.

Mais on peut très bien fouler le sol des îles Notre-Dame et Sainte-Hélène sans savoir qu’elles ont accueilli plus de 50 millions de personnes en l’espace de six mois. C’est regrettable.

Cela dit, il n’est pas trop tard pour agir.

La SPJD nous informait vendredi avoir mis sur pied des comités qui réfléchiront à l’avenir de bâtiments ciblés ainsi qu’à l’aménagement de lieux de commémoration.

On les invite à s’inspirer de certaines initiatives européennes. À Margate, par exemple, une petite station balnéaire du Kent qui abrite un des plus vieux parcs d’attractions d’Angleterre, on a mis sur pied le Dreamland Heritage Fund. Ce fonds veille à la protection du patrimoine du parc d’attractions Dreamland qui date de la fin des années 1870.

Avec l’argent recueilli, on s’assure non seulement de conserver et d’entretenir les manèges patrimoniaux, mais on garde également la mémoire et l’histoire du lieu vivantes.

Les récents déboires du carrousel de La Ronde nous rappellent qu’on peut faire beaucoup mieux pour protéger ce qui reste de l’Expo 67.

On corrige le tir pour le 60anniversaire ?

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