Les temps sont durs pour les jeunes qui quittent le nid familial.

Ils ont beau être plus scolarisés que par le passé, travailler et gagner davantage que les générations précédentes, l’explosion du prix des loyers et des maisons leur coupe les ailes.

On flirte avec l’iniquité intergénérationnelle, juge Guy Cormier, président du Mouvement Desjardins, qui accueillait cette semaine des centaines de jeunes à la TOHU pour imaginer des solutions aux défis qui les touchent.

La crise du logement, les changements climatiques, la santé mentale en berne…

C’est vraiment trop injuste, comme le répétait Calimero, poussin malchanceux d’un dessin animé des années 1970.

Malchanceux, les jeunes d’aujourd’hui ? Ça dépend des points de vue.

Les X rétorqueront qu’ils ont dû se contenter de McJobs en sortant de l’université, car le taux de chômage était trois fois plus élevé qu’aujourd’hui.

Et les boomers diront qu’il n’y avait ni services de garde ni congés parentaux à leur époque et que leur hypothèque leur coûtait 20 % d’intérêts.

Tout cela est vrai.

Mais en ce moment, il faut reconnaître que l’inflation – particulièrement forte à l’épicerie et dans le logement – frappe plus durement les personnes à faibles revenus. Et donc les jeunes.

D’ailleurs, les moins de 30 ans sont la seule tranche d’âge à consacrer plus de la moitié de ses dépenses de consommation aux biens essentiels, note l’économiste en chef du Mouvement Desjardins dans une série d’études fort intéressantes sur la jeunesse1.

Avec la crise du logement, les loyers n’ont jamais été aussi rares en 20 ans et les maisons n’ont jamais été aussi peu abordables depuis une génération.

La crise environnementale n’aidera pas.

Incendies de forêt, inondations… Les catastrophes naturelles qui nous frappent vont éroder davantage l’abordabilité du logement, en gonflant les coûts d’assurance de dommage.

De manière plus large, les coûts associés aux changements climatiques risquent d’accentuer l’inflation, ce qui pourrait réduire les profits et augmenter les taux d’intérêt, avertit la Banque du Canada.

Rien de bon pour les finances des jeunes, qui sont nombreux à ne plus faire d’enfants pour ne pas nuire davantage à cette planète détraquée dont ils ont hérité.

Mais tout n’est pas noir. Au contraire, le Québec a accompli de belles avancées depuis 20 ans en matière d’équité intergénérationnelle.

Par exemple, on a donné un coup de barre au Régime de rentes du Québec (RRQ) en relevant le taux de cotisation pour s’assurer qu’il restera de l’argent dans la cagnotte afin de payer les rentes des jeunes. En plus, on a bonifié le régime pour aider les nouvelles générations qui ont moins accès à un régime auprès de leur employeur.

Sur le front des finances publiques, Québec a aussi fait des progrès considérables, notamment avec la création du Fonds des générations.

Pendant des décennies, on pouvait sérieusement craindre que Québec ne soit pas capable d’offrir aux générations futures les mêmes services, sans les taxer davantage. Un signe flagrant d’iniquité.

Mais le vent est en train de tourner.

Nos finances publiques entrent dans une zone de soutenabilité à long terme, selon la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke, qui présentera bientôt une nouvelle analyse sur le sujet.

Voilà une excellente nouvelle pour les jeunes !

Continuons sur cette lancée. L’équité intergénérationnelle doit être un phare qui guide la gestion de nos finances publiques.

Concrètement, que pouvons-nous faire ?

  • Résister à la tentation de réduire les versements au Fonds des générations pour s’accorder des baisses d’impôt, alors que le budget du Québec est encore dans le rouge et que les services et les infrastructures sont aux soins intensifs. C’est inéquitable envers les jeunes.
  • S’attaquer au déficit d’entretien de nos infrastructures, un déficit de 35 milliards qui ne cesse de s’accroître. On ne veut pas laisser aux jeunes des routes, des hôpitaux et des écoles qui s’écroulent. Il faut un plan solide et transparent, à l’image de celui qui nous a permis de reprendre le contrôle de nos finances publiques à partir des années 1990.
  • Éviter de lancer de nouveaux projets d’infrastructures publiques, comme le 3e lien, qui accapareront la main-d’œuvre, déjà rare, et feront grimper les coûts de l’entretien des infrastructures existantes ainsi que de la construction et de la rénovation résidentielle.
  • Doubler la construction de logements pour réussir à combler la demande. Pour cela, il faut retirer les obstacles qui freinent les mises en chantier résidentielles, qui sont plutôt en forte baisse. Pour cela, il faut notamment modifier le zonage pour mieux densifier les villes où le transport en commun est offert. Une façon intelligente de combattre la crise du logement et de l’environnement en même temps.
  • Prévoir des budgets pour adapter aux changements climatiques les infrastructures municipales, une facture annuelle de 5,3 milliards, selon le Bureau d’assurances du Canada. Et bien sûr, trouver la volonté politique pour atteindre nos cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
  • Investir en santé mentale, car la pandémie a été particulièrement dure pour les jeunes, en particulier les femmes. Offrir plus de flexibilité travail/famille, mais aussi plus de mentorat pour éviter qu’ils se retrouvent dans le vide au travail. Seuls devant Zoom.

Bref, au lieu de se crêper le chignon entre générations, travaillons ensemble pour dégager les nuages qui assombrissent l’avenir des jeunes. Ultimement, toute société en profitera.

1. Lisez les trois études de Jimmy Jean, économiste en chef et stratège de Desjardins :

Lisez l’étude La jeunesse canadienne entre les études et le marché du travail Lisez l’étude Comment les défis d’abordabilité influencent les choix de vie des jeunes Lisez l’étude Entre les possibilités et les défis d’un changement de génération Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion