Ce n’est pas un hasard si la mairesse de Montréal a choisi de présenter sa « stratégie d’intervention collective pour le Village » au parc de l’Espoir. Il en faut, de l’espoir, pour imaginer le Village se sortir du marasme dans lequel il est plongé depuis quelques années.

Il est loin le temps où on déambulait en souriant, le cœur léger, sous les boules multicolores de l’architecte paysagiste Claude Cormier.

Aujourd’hui les passants ont plutôt tendance à accélérer le pas, quand ils n’évitent pas carrément le quartier.

En 2017, dans les pages de La Presse, on se félicitait de l’ouverture d’une nouvelle génération de commerces entre les stations de métro Beaudry et Papineau. Aujourd’hui, des commerçants et des restaurateurs expriment leur insécurité et parlent du défi que représente le recrutement de personnel. Certains menacent de fermer leurs terrasses alors que la belle saison commence à peine.

Que s’est-il passé ?

Il s’est passé la pandémie, entre autres. Et cette pandémie a exacerbé des vulnérabilités déjà présentes.

L’été dernier, l’arrondissement et ses partenaires ont tenu une série de forums sur le réaménagement à venir de la rue Sainte-Catherine Est. La stratégie présentée jeudi est le fruit de cette consultation. On y retrouve quatre priorités dont la première, la sécurité, est une évidence.

Il faut rétablir un sentiment de sécurité dans ce secteur. On souhaite également animer le quartier et occuper l’espace public. On multiplie aussi la présence policière et communautaire dans les rues et les parcs. Ce sont toutes des bonnes initiatives.

Plus inquiétante est cette idée de créer une nouvelle structure de gouvernance qui réunira tous les intervenants du milieu. Espérons qu’on n’ajoutera pas de la lourdeur là où il faut le plus d’agilité possible.

Cela dit, soyons réalistes : la feuille de route présentée jeudi n’est pas une baguette magique. Les solutions miracles n’existent pas face à des enjeux aussi complexes. Le Village est un concentré de misère humaine, un microcosme des problèmes qu’on observe à plus grande échelle dans la société : pauvreté, dépendance, problèmes de santé mentale, itinérance…

Aucune administration municipale ne peut, à elle seule, résoudre tout cela. C’est un travail de longue haleine qui exige la participation de tous les ordres de gouvernement, en plus des milieux communautaire et commercial. Et surtout, il faut de la patience, même si elle commence à manquer.

Aujourd’hui ce sont les commerçants du Village qui s’expriment, mais d’ici la fin de l’été, on pourrait bien entendre ceux du centre-ville, de Milton-Parc ou de Villeray. L’itinérance est plus visible que jamais dans la métropole et les problèmes ne font que commencer.

Ce que vit Montréal, toutes les grandes villes nord-américaines l’ont vécu et le vivent encore.

De Toronto à Vancouver en passant par Portland et New York, plusieurs approches ont été tentées au fil des ans pour pacifier les relations entre les différentes populations qui fréquentent un quartier : ajout de présence policière dans les rues, embauche d’agents de sécurité aux abords des terrasses des restaurants, distribution de nourriture aux personnes itinérantes. Les résultats ont été, au mieux, mitigés.

La seule approche qui semble donner des résultats probants et à long terme est celle qui consiste à fournir un toit à ceux qui n’en ont pas. Les effets positifs d’une stratégie d’habitation accompagnée de services sociaux ciblés sont bien réels et ils sont documentés.

Montréal aura beau inventer toutes les stratégies du monde, sans la participation de Québec et d’Ottawa pour intervenir sur le terrain en habitation, en santé et en services sociaux, on n’en sortira pas.

Dans une allocution devant la Chambre de commerce en mai dernier, le ministre responsable de la Métropole, Pierre Fitzgibbon, s’est engagé à redonner au Quartier latin ses lettres de noblesse, déclarant qu’il en faisait une affaire personnelle.

Mais il n’y a pas de frontière invisible le long de la rue Saint-Hubert. Les problèmes du Village et ceux du Quartier latin sont semblables à plusieurs égards. Espérons donc que M. Fitzgibbon ouvre son cœur et englobe le Village dans ses préoccupations. Espérons aussi qu’il milite auprès de ses collègues pour inonder d’amour et de soutien la rue Sainte-Catherine, entre le boulevard Saint-Laurent et l’avenue Papineau.

Les miracles n’existent pas, mais ce serait bien de célébrer quelques petites victoires l’été prochain.

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