Montréal assure faire des « efforts sans précédent » pour diminuer le sentiment d’insécurité s’étant aggravé depuis le début de l’été dans l’est du Village, selon plusieurs commerçants. Des cas de vandalisme et des problèmes liés à l’itinérance aggravent la situation dans ce secteur, où plusieurs envisagent même de fermer leurs terrasses.

« On est extrêmement sensibles à la vitalité et au climat social dans le secteur du Village et nous mettons des efforts sans précédent en ce moment dans le secteur, avec le SPVM, le CIUSSS et les partenaires du milieu, pour améliorer la situation et le sentiment de sécurité », a indiqué dimanche la responsable de l’inclusion sociale et de l’itinérance au comité exécutif, Josefina Blanco.

Un peu plus tôt, La Presse rapportait que plusieurs tenanciers de restaurants et de bars réclament des ressources policières et communautaires accrues de la part de la Ville de Montréal. « Les clients ne viennent plus, ils ont peur. On est passés d’un bar plein tous les vendredis et samedis à servir quatre ou cinq personnes », a par exemple illustré le gérant du cabaret Expose, Martin Barrette.

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Le bar Le Cocktail déplore aussi une baisse marquée de la clientèle. Son propriétaire, Luc Généreux, envisage de fermer sa terrasse, qui lui coûte plus qu’elle ne lui rapporte. « Il y a souvent des gens dans la rue qui crient, qui ont les facultés affaiblies, qui se battent. Les gens finissent leur verre et ils s’en vont. […] Ils prennent de la drogue, boivent de l’alcool. La police passe devant eux et ne fait rien », déplore-t-il.

Encore dimanche matin, un jeune homme de 18 ans a d’ailleurs été poignardé dans le secteur, au coin des rues Sainte-Catherine et Saint-Hubert, après un conflit qui aurait dégénéré.

Le conseiller de l’opposition, Julien Hénault-Ratelle, s’est désolé dimanche « du manque de proactivité de l’administration » dans ce dossier. Le conseiller a rappelé avoir présenté il y a trois mois « une série de solutions pour faire face aux enjeux vécus par les citoyens et commerçants du Village ». « C’est la vitalité commerciale de cette artère qui est en jeu », a-t-il jugé.

Plus de policiers et d’ÉMMIS

La Ville soutient qu’elle déploie depuis peu « des effectifs policiers accrus » dans l’est du Village. Environ 40 ressources supplémentaires y ont été déployées tout récemment. « On s’assure aussi de renforcer les outils offerts aux commerçants, à tous les niveaux », affirme Mme Blanco.

« Nous nous sommes aussi assurés de développer un lien direct entre les commerçants et l’ÉMMIS [Équipe mobile de médiation et d’intervention sociale] pour une intervention rapide lors de situations de conflit dans l’espace public, d’enjeux de cohabitation sociale ou pour une réponse adaptée aux situations de vulnérabilité accrue des personnes en itinérance », persiste l’élue municipale.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Montréal soutient qu’elle déploie depuis peu « des effectifs policiers accrus » dans l’est du Village. Sur notre photo, le gérant du cabaret Expose, Martin Barrette.

Elle réitère que la Ville « demeure consciente que les besoins sont importants ». « On s’engage à continuer de fournir tous les efforts nécessaires, d’investir pour venir en aide aux plus vulnérables et aux commerçants pour redresser la situation dans le Village », avance-t-elle encore en ce sens.

La Ville assure également être en « communication étroite » avec la Société de développement commercial (SDC) du Village. « Nous avons communiqué proactivement [samedi] avec un commerçant du secteur, en lui proposant une rencontre rapidement pour nous coordonner avec lui pour répondre aux enjeux observés », explique au passage Mme Blanco.

Vendredi, la mairesse Valérie Plante avait été questionnée sur la cohabitation entre les résidants et les personnes itinérantes. « C’est vrai, l’itinérance rime souvent avec santé mentale et toxicomanie. […] On ne veut pas faire comme dans d’autres grandes villes, comme aux États-Unis, où on fait juste repousser les personnes plus maganées de la vie, plus vulnérables », a-t-elle dit.

« La précarité a augmenté de façon incroyable, on ne peut pas le nier. On est contents d’accueillir tout le monde, mais il faut trouver un équilibre. Et cet équilibre il est fragile », a-t-elle insisté, en demandant à Québec une « vision claire concernant l’habitation », intimement liée selon l’élue à l’itinérance.

Moins d’intervenants dans la rue

Au niveau provincial, la députée de Sainte-Marie–Saint-Jacques, Manon Massé, dit comprendre que les commerçants « sont secoués et inquiets ». « Il y a un laisser-aller des gouvernements depuis des années. La solution ne peut pas être de fermer toutes les terrasses du village, ce sont des lieux importants », note-t-elle.

« Les gestes de violence doivent être contenus, mais la détresse dans le village est un enjeu complexe sur lequel je travaille depuis des années avec les organismes communautaires du quartier. Malheureusement, ces organismes ne cessent de voir leur financement réduit : ça veut dire moins d’intervenants dans la rue et des centres de consommation supervisés plus souvent fermés », insiste Mme Massé, en disant attendre « impatiemment » des engagements du gouvernement et un plan d’action de la Ville.

La Société de transport de Montréal (STM), elle, prévoit « ajouter une vingtaine » de constables spéciaux dans son réseau d’ici novembre. Le tout se fera « graduellement » dès l’automne.

Ces agents pourraient entre autres être déployés aux abords de la station Beaudry, dans Le Village, ainsi qu’à Berri-UQAM ou ailleurs. Une vingtaine « d’ambassadeurs de sûreté », pouvant détecter des situations conflictuelles sans toutefois intervenir, seront aussi embauchés, tout comme une autre vingtaine de préposés supplémentaires à l’entretien des stations.

Avec Léa Carrier et Philippe Teisceira-Lessard, La Presse