Posez la question autour de vous : quand ils envisagent leur vieillesse, est-ce que les gens se voient passer les dernières années de leur vie dans un CHSLD, ou rêvent-ils plutôt de finir leurs jours « à la maison » ?

La très grande majorité (83 %) choisit la seconde option, comme le révélait un sondage Léger en 2021. À condition, bien sûr, qu’ils aient accès à des soins adéquats.

Or au Québec, les soins à domicile ne sont pas à la hauteur des besoins.

C’est ce qui ressort du plus récent rapport de la Commissaire à la santé et au bien-être (CSBE), qui propose une analyse chiffrée de la performance des services de soutien à domicile.

« Le niveau de ressources consenties pour les services à domicile (SAD) au Québec serait parmi les plus faibles au Canada », peut-on lire dans le rapport de la commissaire Joanne Castonguay, qui précise que « le Québec se démarque défavorablement dans l’arrimage aux besoins des usagers et des proches aidants. »

Pas surprenant quand on sait qu’avec l’Ontario, l’Alberta et le Nouveau-Brunswick, le Québec est la province où les dépenses en soins à domicile et en services communautaires étaient les moins élevées par habitant en 2021-2022. Ces dépenses sont passées de 4 % de l’ensemble des dépenses en santé en 2003 à 4,8 % en 2021-2022. C’est si peu.

Résultat : « seulement une minorité des usagers du SAD bénéficie d’un taux de réponse à leurs besoins qui soit satisfaisant », peut-on lire dans le rapport. C’est grave.

Et cette fois, on ne peut pas rejeter la faute sur la pandémie : l’accessibilité aux services de soins à domicile était déjà un enjeu avant la pandémie. La situation s’est détériorée par la suite.

Ça semble une vérité de La Palice, mais la commissaire note que les meilleurs résultats sont obtenus quand l’organisation des soins est pensée en fonction de l’objectif de maintien à domicile. Un objectif qui, faut-il le rappeler, était la pierre angulaire de la politique du ministère de la Santé en… 2003. « Chez soi, le premier choix », disait-on à l’époque. Vingt ans plus tard, ce n’est toujours pas le cas.

Cette situation est d’autant plus difficile à concevoir que la population québécoise compte parmi les plus vieillissantes de la planète. Or, son système de santé semble incapable d’être à l’écoute de ses bénéficiaires. Comme si, à Québec, on se bouchait les oreilles quand les vieux parlent et expriment leurs besoins.

Sans surprise, la faiblesse de notre système de soins à domicile a un impact sur l’éventualité de finir ses jours à la maison. Encore une fois, les chiffres parlent d’eux-mêmes : seulement 17 % des Québécois ont eu le privilège de pousser leur dernier souffle entre les murs rassurants de leur maison ou de leur logement. En général, dans les derniers mois de vie, les allers-retours entre la maison et l’hôpital se multiplient. Une situation évitable, selon la commissaire, si on répondait adéquatement aux besoins des bénéficiaires de soins à domicile.

La Dre Geneviève Dechêne, une pionnière en matière de soins à domicile au Québec, nous l’avait bien dit lors d’une entrevue en février dernier : le système de santé québécois est trop centré sur l’hôpital et nos médecins sont des « hospitalistes ».

Les lacunes de nos soins à domicile ne datent pas d’hier et la Dre Dechêne n’est pas la seule à dénoncer la situation. Qu’on pense au DRéjean Hébert qui a déjà proposé une « assurance autonomie ». Qu’on pense à l’Institut du Québec qui, sous la plume de l’ex-journaliste Alain Dubuc, déposait en 2021 un rapport intitulé « Soins à domicile : le statu quo ne sera plus possible ». Qu’on pense enfin à la FADOQ, un organisme qui représente plus d’un demi-million de Québécois âgés de plus de 50 ans, qui milite en faveur d’un sérieux coup de barre en matière de soins à domicile. On a l’impression que toutes ces voix parlent dans le vide.

La commissaire Castonguay doit déposer ses recommandations dans six mois, en décembre prochain. D’ici là, pourquoi ne pas écouter les premières personnes concernées, les aînés ? Ils ne demandent pas la lune. Ils souhaitent seulement finir leurs jours dans la dignité… à la maison. Pas dans une maison des aînés ou un CHSLD.

Est-ce trop demander ?

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