À peu près n’importe quel autre politicien américain aurait, dans une situation aussi critique, abandonné le navire.

Pas Donald Trump.

Peu importe sa comparution devant un tribunal floridien en lien avec sa gestion – délirante – d’une série de documents secrets. Peu importe s’il fait face cette fois-ci à 37 chefs d’accusation. Peu importe si on allègue qu’il a compromis la sécurité nationale de son pays. Il garde le cap.

Le fait est qu’il n’est pratiquement pas affaibli par ce nouveau dérapage. Mardi soir, quelques heures après avoir plaidé non coupable, il est passé à la contre-attaque devant ses partisans.

« Quand vous arrêtez votre principal adversaire politique, c’est qu’il n’y a plus de démocratie », a-t-il dit, qualifiant son inculpation du « plus haineux et diabolique abus de pouvoir » de l’histoire des États-Unis.

Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort : Donald Trump est la personnification de ce dicton.

On aurait tort de le sous-estimer. Il demeure un politicien puissant et redoutable. Et il est bien placé, malgré tout, pour remporter la course au leadership de son parti et affronter Joe Biden l’an prochain.

Il a d’ailleurs promis mardi qu’il va remporter cette élection présidentielle et que « justice sera faite ».

Le fait est qu’une bonne partie des électeurs de son parti sont encore prêts à lui donner le bon Dieu sans confession. Un peu comme s’ils étaient sous l’emprise d’un gourou.

Les sondages confirment à quel point cet appui est substantiel.

Comme celui effectué par CBS News/YouGov les 9 et 10 juin, où on a demandé aux électeurs républicains potentiels ce qui les préoccupe le plus dans cette affaire.

Résultat : ils disent s’inquiéter, dans une large majorité (76 %), de voir que l’inculpation est « motivée par des considérations politiques ».

Il n’y a que 12 % de ces électeurs pour qui la priorité est le « risque pour la sécurité nationale » posé par les documents.

Enfin, 12 % se disent préoccupés par ces deux affirmations.

Bref, aux yeux d’une large majorité de républicains, on est en train de faire preuve d’acharnement à l’égard de l’ancien président.

Il y a longtemps que cette impression s’est cimentée.

Pourquoi changerait-elle, alors qu’à peu près tous les politiciens républicains suivent la même chorégraphie depuis des années chaque fois que Donald Trump dérape : ils le défendent comme s’il était la victime innocente d’une sombre machination.

Même son plus proche rival parmi les prétendants républicains à la Maison-Blanche, Ron DeSantis, laisse entendre que l’ex-président est une victime.

Dans la foulée de l’inculpation de Donald Trump, le gouverneur de Floride a promis que s’il devient président, il va « ramener l’imputabilité au département de la Justice, éliminer les biais politiques et mettre fin à l’instrumentalisation une fois pour toutes ».

C’est désespérant.

Il y a bien sûr quelques voix discordantes. Mais pas encore assez pour qu’on puisse parler d’une tendance. Et encore moins d’un revirement.

Les Américains auraient tort de sous-estimer la résilience de Donald Trump, mais ils ne sont pas les seuls à devoir se méfier de sa capacité à rebondir.

Les autres démocraties occidentales, à commencer par le Canada, ne doivent surtout pas faire l’erreur de croire qu’il est fini.

En avril dernier, le magazine allemand Der Spiegel révélait d’ailleurs que « Berlin se prépare à la possibilité que Donald Trump puisse battre Joe Biden lors de la prochaine élection ».

Ainsi, des diplomates allemands tentent d’établir des contacts avec les alliés de l’ancien président, pour ne pas se faire prendre les culottes baissées comme en 2016, quand il avait battu Hillary Clinton.

Le gouvernement canadien a la même approche, nous a-t-on dit au bureau de la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly.

Lorsque le Canada a dû se battre pour sauver l’Accord de libre-échange nord-américain, des réseaux ont été créés – ou renforcés – avec des membres de la garde rapprochée de Trump, mais aussi avec des politiciens républicains à Washington.

L’actuelle ambassadrice du Canada à Washington, Kirsten Hillman, a pour sa part joué un rôle important dans la renégociation de l’entente.

Des contacts existent, donc. On aurait tout avantage à continuer de les cultiver et à en créer d’autres. Car Donald Trump n’a vraisemblablement pas dit son dernier mot.

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