Avertissement : après une semaine éprouvante, cet éditorial tentera de vous donner un peu d’espoir sur notre capacité à lutter contre les changements climatiques.

Malheureusement, vous n’avez pas rêvé.

Depuis une semaine, il y a bel et bien d’énormes incendies de forêt incontrôlables dans plusieurs régions du Québec, une conséquence probable des changements climatiques.

Environ 13 500 Québécois ont été évacués.

Le smog a rendu la qualité de l’air dangereuse pour la santé pendant deux jours dans le sud du Québec.

Preuve que les enjeux climatiques n’ont pas de frontière : le vent a soufflé la fumée des feux québécois jusqu’à New York. La Grosse Pomme, qui avait la pire qualité de l’air au monde, avait l’air d’un désert apocalyptique dans un film de Denis Villeneuve.

Avec les changements climatiques, des catastrophes comme celle-ci auront malheureusement tendance à être de plus en plus nombreuses. Les conséquences, de plus en plus importantes.

Tout ça est décourageant ? Oui. Angoissant ? Oui. Un problème insoluble ? Ça, non.

Les changements climatiques sont le plus grand défi de notre génération.

Ça devrait être la priorité des citoyens comme des gouvernements. Ce n’est pas le cas actuellement. La protection de l’environnement est un beau principe, on fait quelques efforts ici et là, mais rien qui nous permettra de limiter l’impact des changements climatiques à une hausse de 1,5 degré Celsius d’ici 2100.

Devant un défi aussi titanesque, l’humain peut réagir de deux façons : 1) je suis prêt à faire des sacrifices, même si je ne sais pas trop par où commencer ; 2) je vais faire ce que je veux, mes actions ne changeront rien de toute façon.

La bonne nouvelle, c’est que la plupart des Québécois sont dans la première catégorie, celles des optimistes responsables.

78 % des Québécois comprennent que les changements climatiques sont causés par l’activité humaine, contre 68 % des Canadiens, 67 % des Ontariens, et seulement 54 % des Américains et 50 % des Albertains, selon la firme Léger.

93 % des Québécois sont prêts à faire des efforts dans leur consommation pour lutter contre les changements climatiques.

77 % d’entre eux estiment que les gouvernements n’en font pas assez pour l’environnement, selon la firme CROP.

Alors pourquoi les gouvernements n’accélèrent-ils pas la lutte contre les changements climatiques ? Pourquoi le Québec a-t-il émis plus de CO2 en 2019 qu’en 1991 ?1

Parce que la lutte contre les changements climatiques n’est pas encore assez haute sur la liste de priorités des Québécois.

Environ 42 % des Québécois estiment que les changements climatiques sont l’une de leurs trois priorités, selon la firme Abacus. Soit, c’est la province où c’est le plus élevé (22 % en Ontario, 26 % en Colombie-Britannique). Mais ce n’est pas assez élevé, et loin derrière le coût de la vie (75 % des Québécois) et la santé (59 %).

On a souvent les gouvernements qu’on mérite collectivement. Tant que les politiciens ne sentiront pas que les changements climatiques peuvent faire la différence dans l’urne, beaucoup d’entre eux hésiteront à faire les changements importants qui sont nécessaires.

Justin Trudeau et François Legault ont leurs qualités et leurs défauts, mais ils savent lire des sondages.

Ottawa comme Québec n’en font pas assez pour la lutte contre les changements climatiques. Ils gouvernent toutefois avec un contexte différent.

La Coalition avenir Québec est à la tête d’une province riche en hydroélectricité, une énergie très peu polluante. Aux dernières élections provinciales, elle avait toutefois le plan climat le moins ambitieux des quatre principaux partis.

M. Trudeau, lui, est à la tête du quatrième producteur mondial de pétrole. Sur le plan politique, ça demande plus de compromis, et il en a fait beaucoup.

En guise de comparaison, le seul autre véritable prétendant au poste de premier ministre du Canada, le conservateur Pierre Poilievre, a comme priorité d’abolir la taxe carbone. Ce serait une catastrophe.

À travers le pays, les électeurs du Bloc québécois (64 %), du PLC (68 %), du NPD (69 %) et du Parti vert (70 %) sont tous préoccupés par les changements climatiques, mais pas les électeurs conservateurs (seulement 33 %), selon la firme Abacus.

C’est primordial de trouver une façon de convaincre le plus d’électeurs conservateurs possible de l’urgence de la lutte contre les changements climatiques. Il faut des leaders conservateurs modérés qui prennent cet ingrat bâton du pèlerin.

On ne changera pas les mentalités du jour au lendemain, mais il y a de l’espoir.

Aux élections fédérales de 2008, le chef libéral Stéphane Dion faisait rire de lui avec sa taxe carbone. Quinze ans plus tard, la taxe carbone, à coût nul pour les contribuables, est la plus importante politique de lutte contre les changements climatiques au Canada.

Il y a 10 ans, 7 % des émissions mondiales de CO2 étaient assujetties à une forme de taxe carbone. Aujourd’hui, c’est 23 %, selon la Banque mondiale. Le verre est seulement rempli au quart, mais il se remplit.

La lutte climatique est mondiale, et le Québec doit faire sa part. Ensemble, l’Europe, l’Amérique du Nord et le Japon représentent 34 % des émissions mondiales de CO2. La Chine un autre 31 %.2 Si tout ce beau monde prend le climat au sérieux, on peut y arriver.

On devra toutefois arrêter de se conter des histoires : la lutte contre les changements climatiques demandera des sacrifices. Les citoyens le comprennent de plus en plus, et les politiciens ne devraient plus avoir peur de jouer franc jeu avec leurs électeurs, comme l’ont fait Québec solidaire et le Parti québécois au cours de la dernière campagne.

1. Le Québec a émis 81,0 millions de tonnes de CO2 en 1991 et 82,7 millions de tonnes de CO2 en 2019. La population québécoise a évidemment augmenté dans l’intervalle. En 2020 – dernière année où les données sont disponibles –, le Québec a émis 74,0 millions de tonnes de CO2, mais cette année n’est pas représentative en raison de la pandémie.

2. Selon les données de l’Université Oxford/OurWorldinData.org

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