Si vous trouvez que les trains de VIA Rail arrivent souvent en retard depuis un an, rassurez-vous : vous n’avez pas la berlue.

En 2022, VIA Rail a connu la pire année depuis 2000 en matière de ponctualité : 43 % des trains sont arrivés en retard de plus de 10 ou 15 minutes. Cet alarmant taux de ponctualité d’à peine 57 % est en chute libre par rapport au taux d’environ 70 % entre 2018 et 2021 et de plus de 80 % de 2009 à 2013.

C’est encore plus décourageant quand on se compare aux autres pays.

Que ce soit pour la vitesse, la ponctualité ou la fréquence, le Canada a le pire service de train pour passagers des pays du G7.

Le problème est le même depuis des décennies : au Canada, il n’y a pas de rails dédiés spécifiquement aux trains de passagers. VIA Rail utilise les rails appartenant aux compagnies ferroviaires qui font du transport de marchandises, le CN et le CP, qui priorisent leurs propres activités.

Un facteur qui explique une partie de la baisse prononcée de la ponctualité des trains en 2022 : VIA Rail roulait moins souvent de janvier à juin à cause de la pandémie, il payait donc un loyer moins cher au CN, qui avait moins d’argent pour entretenir les rails pour les vitesses des trains de passagers (plus rapides que les trains de marchandises). Les trains de VIA devaient donc rouler moins vite sur les rails.

Bonne nouvelle : de janvier à mars 2023, le taux de ponctualité serait remonté aux environs de 70 %, soit la moyenne des années 2018-2021, nous indique VIA Rail.

Ça reste néanmoins inférieur à Amtrak, aux États-Unis, qui n’est pas exactement le paradis du train. On n’ose même pas parler de l’Europe ou du Japon. Et il reste qu’environ un train sur trois est en retard. Il n’y a pas de quoi être fier.

La solution du gouvernement Trudeau : construire un train à grande fréquence (TGF) avec des voies dédiées entre Québec et Toronto pour 2030. En Europe et au Japon, on appellerait ça un train de seconde classe, après le train à grande vitesse (TGV). Au Canada, ce serait une amélioration incroyable.

Tant qu’à dépenser des dizaines de milliards de dollars, on pense qu’Ottawa devrait privilégier un TGV, beaucoup plus cher, mais plus rapide que l’avion et l’auto. Un TGV changerait assurément les habitudes de transport des Canadiens dans l’axe Québec-Toronto. Un TGF ? Rien n’est moins sûr.

Lisez notre éditorial « Monsieur Trudeau, réveillez-vous et construisez un TGV ! »

Le gouvernement Trudeau a choisi le TGF, mais envisage au moins de voir s’il est possible d’aller plus vite sur certaines parties du tracé. On en saura davantage d’ici un an.

Peu importe le choix final, le nouveau train avec rails dédiés ne transportera pas de passagers au mieux avant 2030, estime Ottawa.

Il ne faut pas que les Canadiens attendent encore six ans et demi pour que les trains arrivent à l’heure comme dans les autres pays du G7.

Pour régler ce problème de ponctualité, il n’y a malheureusement pas de solution magique.

Tout d’abord, il y a des éléments que VIA Rail ne peut pas contrôler, comme les effets des changements climatiques. L’été, les trains doivent parfois rouler moins vite à cause de la chaleur sur les rails.

Au moins, VIA Rail commence à déployer ses trains neufs – plus fiables – sur les rails actuels. Toute la flotte sera remplacée d’ici 2025.

Le plus important : VIA Rail doit s’asseoir avec le CN et le CP pour améliorer la fiabilité de son offre. Il y a certainement moyen de faire mieux. La preuve : le taux de ponctualité des trains de VIA Rail était supérieur à 80 % au début des années 2010. Voilà un défi immédiat pour le nouveau président et chef de la direction de VIA Rail, Mario Péloquin, nommé la semaine dernière par le gouvernement fédéral.

Devrait-on offrir des compensations financières plus importantes pour les retards, comme avec la Charte des voyageurs en avion ? Actuellement, VIA Rail offre un crédit de 50 % si le train a 55 minutes de retard et 100 % si le retard est de 3 h 50 min.

C’est une solution simple et populaire, mais pas nécessairement une panacée dans le contexte actuel. Les trains de passagers sont déjà très subventionnés au Canada. Dans le corridor Québec-Toronto en 2022, le gouvernement fédéral a payé 43 % des dépenses d’exploitation et les usagers, 57 %. Si on force VIA Rail à payer des pénalités en argent pour les retards, soit VIA Rail hausse ses prix, soit Ottawa hausse ses subventions. Personne n’est gagnant avec ce scénario.

De toute façon, ce qu’on veut en priorité, ce sont des trains fiables qui arrivent à l’heure.

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