Vous permettez qu’on utilise le prétexte de nouveaux retards dans la mise en service du REM pour qu’on s’interroge sur son avenir ?

En particulier ce qui va se passer dans cinq ans, si jamais sa propriétaire, la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), décidait que notre bas de laine a accouché d’un citron ou tout simplement que le REM (Réseau express métropolitain) n’est pas assez rentable pour elle.

Ça pourrait être très compliqué. Parce que la CDPQ n’assume pas tous les risques. Dès le départ, elle s’est magasiné – avec la complaisance du gouvernement de l’époque – toute une série de parachutes au cas où ça tournerait mal. En plus de tous les autres avantages, dont le fait que la Caisse a obtenu ce mandat sans appel d’offres.

Des avantages tellement considérables que, dès le début du projet en 2017, le réputé urbaniste Gérard Beaudet, de l’Université de Montréal, les comparait aux « privilèges auxquels ont eu droit les compagnies ferroviaires du XIXe siècle » et dont nous vivons encore avec les fâcheuses conséquences.

Entre autres, il faut rappeler que, dans ce contrat, la Caisse n’a pratiquement plus aucune obligation au-delà d’un délai de cinq ans après la mise en service. Cinq ans, dans la vie d’un grand projet, c’est bien court.

Les parachutes en question sont stipulés dans un contrat de plus de 200 pages, un document public signé en avril 2018 entre le ministère des Transports, CDPQ Infra, une filiale de la Caisse, et les sociétés qui exploiteront le REM. Bref, une structure de propriété très complexe.

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Le contrat décrit surtout deux éléments essentiels : d’abord les infrastructures qui sont cédées par le gouvernement du Québec à la Caisse pour la construction du REM. Mais aussi comment la Caisse pourra en disposer ou se désengager du projet, en tout ou en partie, et disposer à sa guise des actifs que lui a cédés le gouvernement.

Parlons d’abord des actifs. Vous rêviez d’un TGV ou d’un TGF, de centre-ville à centre-ville, entre Montréal et Québec ou Toronto ? Ce n’est déjà plus possible, puisque la Caisse a obtenu la propriété et l’exclusivité de certaines infrastructures stratégiques comme le vénérable tunnel sous le mont Royal et aussi les emprises utilisées par les trains de banlieue que le REM remplacera, comme la ligne de Deux-Montagnes.

Le contrat prévoit que le gouvernement garde le droit de « renationaliser » ces infrastructures, mais seulement pour les cinq premières années après la mise en service du REM. Après cette date, la Caisse sera libre de vendre le REM et tous les actifs afférents à n’importe qui. Un fonds spéculatif américain ou chinois, ou encore un opérateur étranger.

C’était le prix à payer pour que le premier ministre Philippe Couillard puisse avoir ce qu’il considérait comme son legs. Sans ces pouvoirs exorbitants, la Caisse de dépôt menaçait de ne pas se lancer dans le projet.

Mais si ça tourne mal, par exemple si l’achalandage ne devait pas être au rendez-vous, la Caisse peut se retirer du REM, en tout ou en partie, après cinq ans.

Le contrat prévoit qu’après cinq ans de la mise en service, l’opérateur – une société créée pour l’occasion par la Caisse et qui s’appelle Projetco – peut cesser l’exploitation de l’une ou de plusieurs des antennes du REM, avec un simple préavis de six mois, en laissant au gouvernement la possibilité de racheter ces actifs à leur juste valeur marchande.

Il faut rappeler que la Caisse a largement dépassé le mandat initial d’un projet qui, au départ, ne devait comprendre que le transport en commun sur le pont Samuel-De Champlain – dont elle obtient gratuitement l’usage – et le lien entre la gare Centrale et l’aéroport Montréal-Trudeau, un lien qu’elle a déjà menacé d’abandonner et qui est maintenant prévu pour 2027 !

Rappelons, pour mémoire, que la CDPQ se faisait forte de réussir à livrer le REM « dans les temps et dans les budgets ». On sait maintenant que ce ne sera ni l’un ni l’autre...

Ce qu’on sait aussi, c’est que pratiquement tous les hauts dirigeants de la Caisse ou du projet de REM qui étaient là au début ont déjà quitté le navire. Ce qui fait réfléchir sur l’engagement réel qu’aura la Caisse à conserver très longtemps la gestion du REM si les résultats financiers ne devaient pas être au rendez-vous. Ce qui serait quand même étonnant, étant donné la généreuse contribution de Québec de 72 cents le kilomètre/passager.

C’est sans doute pour cela que certains commencent à dire que ce serait sans doute mieux de se prévaloir de la clause du contrat qui permet de « renationaliser » le REM – et donc de garantir la propriété publique des infrastructures – plutôt que de donner à la Caisse une somme annuelle qui sera pratiquement équivalente au rendement qu’elle s’attend à obtenir !

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