Oui, il faut avoir de bonnes notes pour entrer en médecine. Mais au-delà de la sacro-sainte cote R de 33 ou plus, les facultés de médecine ont d’autres outils pour choisir les futurs médecins, et s’assurer d’une certaine diversité.

« Ce n’est pas parce que vous avez une cote R très élevée que ça fait nécessairement de vous un bon professionnel de la santé, lance Patrick Cossette, doyen de la faculté de médecine de l’Université de Montréal. Nos critères ont évolué avec les années pour être plus inclusifs. »

Il y a quelques années encore, on n’aurait jamais entendu ces paroles dans la bouche d’un doyen de médecine. Mais le monde change et les facultés ont dû, elles aussi, s’adapter.

Bien sûr, il y a un passage obligé pour entrer en médecine, un programme contingenté qui accepte environ 1 étudiant sur 10. Les critères sont à peu de choses près les mêmes dans les quatre facultés de médecine de la province.

La première sélection se fait sur la base des notes et du test Casper, mis en place en 2010 pour évaluer les compétences transversales comme l’empathie, la communication ou le leadership. L’Université McGill est la seule à allouer 10 % de la pondération au curriculum vitæ du candidat.

Mais que vaut le test Casper quand on sait que la majorité des étudiants ont recours à l’aide d’un coach pour s’y préparer ? « C’est vrai qu’il y a des coachs, reconnaît le DCossette. Mais c’est ce qui existe comme outils standardisés pour le moment. »

Les candidats appelés à l’entrevue doivent ensuite se soumettre à une série de mises en situation évaluées par des comités composés, selon les facultés, de professeurs, de patients-partenaires et de gens issus de la diversité. À noter que l’étudiant passe une seule entrevue qui comptera pour toutes ses demandes d’admission.

Est-il possible de détecter, dès l’admission, les candidats qui feraient de bons médecins de famille ?

« À 19 ans, c’est difficile à dire, à moins que l’étudiant ait baigné là-dedans et qu’il arrive avec l’idée de devenir médecin de famille », explique le DCossette.

C’est l’expérience étudiante et l’exposition clinique durant la formation qui font la différence. C’est la partie que je contrôle en tant que doyen : susciter des vocations.

Patrick Cossette, doyen de la faculté de médecine de l’Université de Montréal

Plus de diversité

On a souvent reproché aux facultés de médecine, avec raison, d’être des milieux homogènes. Des milieux privilégiés qui ne reflétaient pas la société.

Les facultés en ont pris acte. « Nous avons une responsabilité sociale d’assurer une diversité d’origines et d’expériences », affirme le doyen de la faculté de médecine de l’Université Laval, Julien Poitras.

Depuis 2008, le Programme des facultés de médecine pour les Premières Nations et les Inuits au Québec réserve des places à des étudiants issus des communautés autochtones dans les quatre facultés de médecine. Plusieurs facultés ont également des programmes qui permettent aux étudiants en médecine d’aller à la rencontre des jeunes autochtones pour les intéresser aux sciences de la santé. L’Université de Sherbrooke propose aussi des programmes destinés aux étudiants des régions éloignées et aux francophones hors Québec.

Toutes les facultés offrent en outre des programmes d’accès aux étudiants issus de milieux socio-économiques défavorisés.

Depuis 2021, les universités de Montréal et McGill ont un programme d’accès aux étudiants noirs qui leur garantit une place à l’entrevue, à condition qu’ils répondent aux exigences d’admission.

Du côté de l’Université McGill, les deux tiers des étudiants admis en médecine ont déjà un diplôme universitaire. À l’Université Laval, la proportion est de 45 %. « Moi, par exemple, je viens des arts visuels, lance le doyen Julien Poitras. C’est une autre forme de diversité. »

« On est au début d’une démarche et on est à l’écoute des suggestions », poursuit-il.

Toutes ces mesures ont été mises en place pour casser l’image qui colle aux étudiants en médecine : celle d’un jeune issu d’une famille de médecins ayant grandi dans un quartier huppé.

Une image qui n’a plus grand-chose à voir avec la réalité.

Une cinquième faculté de médecine au Québec ?

Faut-il créer une nouvelle faculté de médecine pour former des médecins de famille ?

C’est la proposition d’Alexandre Cloutier, président du réseau de l’Université du Québec (UQ), qui souhaite mettre ses 10 établissements à contribution.

« Avec 100 000 étudiants répartis à travers le Québec, nous sommes la plus grande université au pays, avance-t-il. Nous avons une force de frappe exceptionnelle. »

M. Cloutier rappelle que la mission de l’UQ est différente de celles des autres universités. « Nous formons le plus grand nombre d’étudiants de première génération à faire des études supérieures, souligne-t-il. Nous avons une responsabilité sociale de répondre aux besoins spécifiques du Québec. Et nous sommes bien implantés dans les régions. »

Le plan : développer 225 places en médecine familiale à travers les différentes composantes de l’UQ en mettant à contribution la TELUQ (pour l’éducation à distance), ainsi que l’ETS et l’INRS (pour le volet recherche).

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Alexandre Cloutier, président du réseau de l’Université du Québec

Après les universités Laval et de Montréal, c’est nous qui formons le plus de professionnels de la santé. Nous voulons former des médecins proches des milieux communautaires, des réalités autochtones et rurales.

Alexandre Cloutier, président du réseau de l’Université du Québec

À ceux qui estiment un peu fou de créer une cinquième faculté de médecine, l’ancien ministre péquiste cite l’exemple de l’Ontario. « Ils n’ont jamais autant investi pour la création de nouveaux programmes de médecine, lance-t-il. L’Université York vient de recevoir 9 millions de dollars pour créer un bureau de projet. L’Ontario met les bouchées doubles alors que l’accès à un médecin de famille y est meilleur qu’au Québec. »

M. Cloutier rappelle qu’il y a actuellement cinq projets de nouvelles facultés de médecine au pays.

« On ne veut pas nuire à l’offre actuelle, on veut la bonifier. »

Le président de l’UQ est conscient que les autres universités risquent de s’opposer à son projet. « Chaque fois qu’on a voulu offrir de nouveaux programmes, que ce soit en génie ou en droit, on a fait face à une opposition. Aujourd’hui, on ouvre notre jeu, on propose un dialogue pour trouver des voies de passage. Le statu quo me semble intenable. »

Prochaine étape : mettre sur pied un bureau de projet et lancer des consultations. Et s’entendre avec le ministre de la Santé Christian Dubé sur une feuille de route. À suivre, donc.

Lisez notre dossier « Doit-on faire le deuil de “son” médecin de famille ? » Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue