Au cœur des changements que demande Gabriel Nadeau-Dubois à Québec solidaire, il y a un constat à faire : les Québécois ne sont pas à la recherche d’un parti qui veut « dépasser le capitalisme », comme le disait le manifeste lancé en 2009 par Amir Khadir et Françoise David.

Il n’y a pas vraiment de mouvement de fond pour « sortir le Québec du capitalisme » comme on le disait à QS à ses débuts. Par contre, dans la politique québécoise actuelle, il y a un espace de plus en plus important pour un parti progressiste.

Ce genre de parti n’existe plus au Québec. La Coalition avenir Québec n’a jamais voulu être et n’a jamais été un parti progressiste. Il y a longtemps que le Parti libéral du Québec n’est plus que l’ombre du parti qui a fait la Révolution tranquille. Et le Parti québécois – qui fut longtemps le parti le plus progressiste au Québec – ne parle plus que d’identité, de langue et de référendum coûte que coûte.

Ça laisse beaucoup de terrain pour un parti qui se voudrait progressiste et pragmatique et qui aurait des solutions concrètes à apporter aux problèmes vécus quotidiennement par ses concitoyens.

Le premier mandat de René Lévesque fut sans doute le plus progressiste et réformateur de notre histoire, avec une série de réformes concrètes qui façonnent encore le Québec d’aujourd’hui : loi 101, régime public d’assurance automobile, zonage agricole, financement des partis politiques, loi sur la santé et la sécurité du travail, loi anti-briseurs de grève, loi sur la protection de la jeunesse, fin des clubs privés de chasse et pêche et j’en oublie...

Tout ça dans un seul mandat et en préparant un référendum sur la souveraineté. Comme quoi, les gouvernements peuvent, quand ils le veulent, marcher et mâcher de la gomme en même temps.

Actuellement, Québec solidaire a un programme politique qui a commencé à être établi en 2006 et qui est aujourd’hui compilé dans un document d’une centaine de pages qui prévoit des douzaines et des douzaines de mesures qui vont du revenu minimum garanti à la reconnaissance officielle de la langue des signes québécoise. Quant à la dernière plateforme électorale du parti, elle identifiait bien les problèmes comme le logement et la santé, mais était bien mince quant aux solutions concrètes. Par ailleurs, sur ses procédures internes, Québec solidaire est d’une lourdeur infinie et pas seulement à cause de la présence de deux porte-parole théoriquement égaux.

Un système qui a bien fonctionné dans les premières années de QS après la fusion de l’Union des forces progressistes d’Amir Khadir et d’Option citoyenne de Françoise David, mais qui aujourd’hui cause plus de problèmes qu’il n’en résout.

Il y a toujours eu un des deux porte-parole qui était « plus égal que l’autre », ne serait-ce que parce que nos institutions prévoient un seul premier ministre et un seul chef au débat télévisé qui est le moment fort de la campagne électorale.

Les partis politiques doivent se conformer aux institutions et ils ne peuvent les changer que s’ils prennent le pouvoir, cela va de soi. Alors, si un parti se donne quand même des structures qui ne tiennent pas compte des institutions, il n’aura que lui-même à blâmer.

Cela dit, la crise actuelle à Québec solidaire a un aspect bien personnel. Le départ d’Émilise Lessard-Therrien vient relancer le débat sur le leadership de Gabriel Nadeau-Dubois.

On le dit entouré par une garde rapprochée qui ne cherche qu’à le protéger et ne le remet jamais en question. On lui reproche de ne pas être à l’écoute, ce qui entraîne « la peur de ne pas être entendue, reconnue, comprise », comme le disait Mme Lessard-Therrien dans sa lettre de démission. Des critiques qui ressemblent à celles de l’ancienne députée Catherine Dorion dans son livre publié il y a quelques mois.

C’est ce qui fait que le Conseil national du parti à Saguenay à la fin du mois sera déterminant. Gabriel Nadeau-Dubois jouera gros. Quand un chef demande des changements majeurs à son parti, il y a toujours une possibilité qu’il perde son pari.

Surtout dans les partis plus idéologiques, on n’aime pas nécessairement les chefs qui veulent bousculer les habitudes avec des mots comme « pragmatique » ou « professionnaliser ». Parlez-en à Thomas Mulcair qui a été chassé de la direction du NPD après avoir obtenu le deuxième résultat électoral en importance de son histoire.

Mais il est clair que le parti ne traverserait pas une telle crise s’il était à 20 ou 25 % dans les sondages et pouvait envisager les prochaines élections avec beaucoup d’espoir. Mais à 14 %, en baisse de quatre points depuis le mois précédent, il est clair que le parti a de plus en plus de mal à rejoindre son électorat.

QS n’est pas dans une crise de croissance, il doit gérer sa première crise de décroissance. Ce qui est toujours compliqué pour un chef, si charismatique soit-il.

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