Éric Lefebvre ne sera pas le premier député à aller voir si l’herbe est plus verte dans l’autre parlement.

Reste que le départ du whip de la Coalition avenir Québec – qui troque un siège au Conseil des ministres contre un rôle à déterminer dans un éventuel gouvernement Poilievre – est un signe pour le gouvernement Legault.

Bien sûr, il fallait annoncer ses couleurs rapidement, parce que c’est un secret de Polichinelle que le député Alain Rayes, qui a quitté le caucus conservateur après l’élection de Pierre Poilievre comme chef, pourrait bien ne pas terminer son mandat, ce qui signifierait une élection partielle à court terme.

Cela dit, on ne quitte pas un siège au Conseil des ministres – même si ce n’est qu’un strapontin – quand tout va bien. Le départ de M. Lefebvre est significatif. On pourrait dire que, pour la première fois depuis qu’ils ont pris le pouvoir en 2018, les députés de la CAQ ont les blues.

Pour la plupart des députés de la CAQ, ce furent surtout des jours heureux depuis qu’ils sont au gouvernement. Mais ça commence à s’effriter.

Depuis le dernier budget, le « gouvernement de comptables » a perdu le contrôle des dépenses publiques. Ça ne va pas vraiment mieux dans le domaine de la santé, où la réforme Dubé tarde à porter ses fruits.

Et François Legault n’est certainement pas meilleur que ses prédécesseurs pour trouver la riposte quand il se fait dire non par le fédéral.

Le dossier de l’immigration en est un bon exemple. M. Legault a pu bluffer pendant un temps, mais il est évident qu’il ne va pas décréter un référendum pour obtenir plus de pouvoirs dans ce domaine et qu’à la fin, ça va se régler par des négociations où le gouvernement fédéral finira par ne donner que ce qu’il voudra bien céder.

Dans les circonstances, pas trop étonnant que même des poids lourds du gouvernement rêvent tout haut à de hautes fonctions à Ottawa. Le ministre des Finances, Eric Girard, a surpris un peu tout le monde, la semaine dernière, en révélant – encore qu’on s’en doutait – que sa véritable ambition était d’être ministre des Finances… du Canada.

M. Girard a déjà été candidat conservateur au fédéral dans une circonscription de la région de Montréal, mais si certains membres du caucus conservateur québécois auraient aimé qu’il tente sa chance de nouveau, son manque de sens politique dans l’affaire des matchs hors-concours des Kings de Los Angeles à Québec les aura beaucoup refroidis.

Évidemment, les sondages ne sont pas très favorables à la CAQ par les temps qui courent. Mais rien n’est perdu d’avance pour des élections qui auront lieu dans un an et demi.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

La semaine dernière a été difficile pour le chef péquiste, Paul St-Pierre Plamondon, qui a poussé le bouchon très loin en parlant de la volonté d’Ottawa d’« écraser ceux qui refusent de s’assimiler »

Le PQ a repris le dessus dans les sondages essentiellement parce que de vieux péquistes sont rentrés à la maison. Mais le PQ n’obtient tout de même que le tiers des intentions de vote dans un électorat qui a maintenant le choix entre cinq partis politiques établis.

La semaine dernière a été difficile pour le chef péquiste, Paul St-Pierre Plamondon, qui a poussé le bouchon très loin en parlant de la volonté d’Ottawa d’« écraser ceux qui refusent de s’assimiler ». Des maladresses qui pourraient le suivre longtemps, s’il ne prend pas garde.

La souveraineté va être beaucoup moins attrayante si on la présente comme une revanche rendue nécessaire par des griefs historiques, dont certains remontent à plusieurs siècles.

Le Canada a une histoire coloniale, bien sûr, mais rappeler la déportation des Acadiens en 1755 ou la pendaison des Patriotes de 1837 ne va pas aider le PQ à faire avancer le Québec.

Le PQ doit montrer aux Québécois qu’il y a des avantages, ici et maintenant, à devenir souverain. Pas à cause de vieux griefs, mais parce que c’est de cela que le Québec aurait besoin aujourd’hui.

En lieu et place – et quoi qu’en dise M. St-Pierre Plamondon –, il a choisi de faire de maladroits amalgames entre Justin Trudeau, son père, Pierre Elliott Trudeau, et des évènements tragiques, mais qui remontent à l’époque coloniale.

En fait, on a du mal à retrouver le Paul St-Pierre Plamondon qui s’était fait un nom au PQ en 2017, en produisant un rapport intitulé Oser repenser le PQ à la demande du chef de l’époque, Jean-François Lisée.

« On retrouve chez les membres un sentiment partagé selon lequel l’argumentaire n’a pas été actualisé ni communiqué, de sorte qu’il n’y a aucune appropriation du destin national par la génération montante », écrivait-il alors. Difficile de penser que cette génération montante va se retrouver davantage dans le discours revanchard de l’actuel chef du PQ.

À l’époque, M. St-Pierre Plamondon avait décrit le PQ comme ayant été « un parti réformiste, inventif et brasse-camarade », qui était devenu « figé, conservateur et vieillissant ».

Il est bien difficile de croire que c’est en ressuscitant Lord Durham ou le spectre d’une assimilation planifiée par Ottawa qu’il va réussir à renouveler le PQ, comme il disait le souhaiter il n’y a pas si longtemps.

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