(Québec) Un élu caquiste abandonne François Legault et choisit Pierre Poilievre. Le whip en chef du gouvernement et député d’Arthabaska, Éric Lefebvre, quitte le caucus de la Coalition avenir Québec (CAQ) et annonce qu’il portera les couleurs du Parti conservateur du Canada (PCC).

« J’ai remis ma démission au premier ministre, puisque je me porterai candidat pour le Parti conservateur du Canada lors de la prochaine élection fédérale », a-t-il écrit sur les réseaux sociaux mardi soir.

M. Lefebvre a pris sa décision au moment où la CAQ est au plus bas dans les sondages. Mais contrairement à la vaste majorité des caquistes, si des élections avaient eu lieu ces dernières semaines, il aurait conservé son siège de justesse face au Parti québécois, selon le site de projections électorales Qc125. Ce dernier prédit en ce moment la victoire de seulement 11 caquistes, ce qui reléguerait le parti au quatrième rang. La CAQ obtiendrait 23 % des intentions de vote, contre 33 % pour le Parti québécois. Le prochain scrutin aura lieu en 2026.

De son côté, le PCC de Pierre Poilievre a le vent dans les voiles. Les élections fédérales seront déclenchées d’ici l’automne 2025 ; le moment précis n’est pas coulé dans le béton puisque le gouvernement Trudeau est minoritaire aux Communes et compte sur l’appui du Nouveau Parti démocratique pour se maintenir au pouvoir.

Le premier ministre François Legault a également utilisé les réseaux sociaux pour commenter la perte de son député. « Éric Lefebvre m’a informé ce soir de sa décision de se joindre au Parti conservateur du Canada. Dans ce contexte, je lui ai demandé de se retirer du caucus de la CAQ. Merci Éric pour tes années de service public et bonne chance dans tes nouveaux défis », a-t-il écrit. Le caucus caquiste demeure largement majoritaire, avec 88 députés.

Il siégera comme indépendant

Éric Lefebvre a précisé qu’il siégerait désormais comme député indépendant à l’Assemblée nationale. Il entend « poursuivre son travail auprès des citoyens d’Arthabaska ». Il n’y aura donc pas d’élection partielle dans la circonscription pour le moment. François Legault a perdu la circonscription de Jean-Talon à Québec au profit du Parti québécois à la suite de la démission de sa députée Joëlle Boutin l’an dernier. Ce fut un coup dur de plus pour la CAQ au cours de cette annus horribilis.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Éric Lefebvre faisant du porte-à-porte avec la candidate caquiste Marie-Anik Shoiry lors de l’élection partielle dans Jean-Talon en septembre 2023.

Le chef conservateur Pierre Poilievre tiendra dimanche un rassemblement à Victoriaville, fief de son nouveau candidat. Ce n’est donc pas un hasard si Éric Lefebvre quitte le caucus caquiste à ce moment-ci.

Il se présentera de toute évidence dans la circonscription fédérale de Richmond–Arthabaska, actuellement représentée par le député indépendant Alain Rayes. M. Rayes a été élu sous la bannière conservatrice en 2015, 2019 et 2021, mais a claqué la porte lorsque Pierre Poilievre a remporté la course à la direction du parti. M. Rayes avait appuyé Jean Charest dans la course. Il a déjà annoncé son intention de ne pas solliciter un autre mandat.

Whip en chef depuis 2018

Élu député de la circonscription d’Arthabaska à l’élection partielle du 5 décembre 2016, Éric Lefebvre succédait à la regrettée Sylvie Roy, qui avait représenté l’Action démocratique du Québec puis la CAQ avant de siéger comme indépendante.

Il a occupé les fonctions de whip en chef du gouvernement depuis l’accession au pouvoir de la CAQ, en 2018. À ce titre, il était le préfet de discipline du caucus. Il devait, en principe, montrer l’exemple. Il envoie donc tout un message à ses collègues en quittant le navire.

Comme whip, il avait la responsabilité d’« assurer la cohésion et l’assiduité » au sein du caucus des députés caquistes. Il devait s’assurer, par exemple, qu’un nombre suffisant de députés soit présent en Chambre et aux travaux des commissions parlementaires.

Éric Lefebvre avait fait les manchettes l’an dernier lorsque le gouvernement avait décidé d’augmenter de 30 % le salaire des députés. Il avait justifié cette augmentation en faisant valoir les sacrifices personnels qu’il faisait en raison de son travail. « À Noël, cette année, ma mère, qui est fière du travail que je fais… mais je l’ai sentie triste, et elle m’a dit : “Éric, te rends-tu compte qu’on s’est vus une fois dans l’année ?” On s’est vus une fois dans l’année », avait-il déclaré en Chambre. L’élu avait ajouté ne plus avoir « d’amis qui [l]’appellent la fin de semaine pour souper » puisqu’ils savent qu’il n’est pas disponible.

Éric Lefebvre est le premier député caquiste à se joindre au PCC depuis le départ de Gérard Deltell en 2015. Des rumeurs avaient toutefois envoyé le ministre des Finances Eric Girard dans le parti de Pierre Poilievre l’an dernier. Il avait assuré à ce moment être « content » de ses responsabilités à Québec et avait indiqué que ses valeurs n’étaient pas vraiment compatibles avec celles du PCC, bien qu’il se soit déjà présenté pour cette formation politique en 2015. Un stratège conservateur avait fait savoir par ailleurs que M. Girard ne serait pas le bienvenu dans son équipe.

Dans les rangs caquistes, on signale depuis quelques semaines que la bonne performance du Parti conservateur du Canada sur la scène fédérale et les ennuis de la CAQ pourraient amener des députés à avoir « une faiblesse » et à se laisser charmer par Pierre Poilievre.

Les rumeurs de remaniement à Québec pèsent aussi dans la balance. Dans ses réflexions, François Legault doit tenir compte des élections fédérales à venir et éviter de faire des mécontents qui pourraient sauter la clôture. Rétrograder un ministre ou ignorer un député d’arrière-ban ambitieux pourrait entraîner un départ dans le contexte politique actuel. Les gestes précipités sont toutefois moins fréquents depuis l’abolition de l’indemnité de départ pour un député qui part en cours de mandat.