Quoi qu’on puisse en dire à Québec, il n’y aura pas de référendum sectoriel sur l’immigration. Pour trois raisons : la machinerie est trop lourde, on ne sait pas encore ce qu’on demande et, la raison la plus importante, un référendum serait trop risqué politiquement pour le gouvernement Legault.

La machinerie d’abord. Elle est très lourde et exige, en pratique, de mettre l’Assemblée nationale sur pause pendant quelque chose comme trois mois.

Au préalable, il faudra modifier la Loi sur la consultation populaire qui n’est plus à jour, selon Élections Québec. Il faudrait, entre autres, changer les dispositions sur le financement.

Mais surtout, cela implique toutes sortes d’exigences procédurales qui sont lourdes et compliquées à mettre en place. Une fois la question arrêtée par le gouvernement, il faut un débat de 35 heures à l’Assemblée nationale, ce qui prend entre deux et trois semaines, si on se fie aux trois référendums précédents.

Ensuite, il y a un délai de cinq jours pour que les députés puissent s’inscrire soit au comité du Oui, soit au comité du Non, qui doivent ensuite tenir une réunion. Enfin seulement viendra la campagne référendaire elle-même, mais qui ne peut commencer que 18 jours après que l’Assemblée nationale a été saisie de la question.

C’est beaucoup d’exigences qui prennent beaucoup de temps – en tout, environ trois mois où, pratiquement, le référendum prendra toute la place.

Le gouvernement Legault devrait aussi dire clairement ce qu’il demande en matière d’immigration. « Les pleins pouvoirs », c’est un slogan, pas une proposition politique. De toute façon, il faut se demander si le Québec voudrait vraiment les pleins pouvoirs.

Par exemple, cela impliquerait – à condition que le gouvernement fédéral accepte – que le Québec devienne responsable de la sécurité des frontières. Juste un petit exemple : il y a cinq ponts utilisés quotidiennement entre la ville de Gatineau au Québec et celle d’Ottawa en Ontario. Comment le Québec pourrait-il gérer la sécurité de cette « frontière migratoire » et à quel coût ?

À Québec, on parle surtout d’un pouvoir d’autoriser ou de refuser l’entrée de travailleurs étrangers temporaires ou d’étudiants en séjour temporaire et d’inclure la connaissance du français comme condition d’admission. L’ennui, c’est que le Québec a déjà ce pouvoir en vertu des ententes actuelles en immigration et qu’il ne l’utilise pas.

Tout cela pour dire que la rédaction de la question référendaire, si on en vient là, sera périlleuse.

Mais la principale raison pour laquelle il n’y aura pas de référendum n’a rien à voir avec l’immigration, elle est politique.

Dans l’histoire, on ne compte plus les exemples de référendums où le débat n’avait plus grand-chose à voir avec la question posée par le gouvernement et où il est devenu une sorte de consultation sur le gouvernement qui pose la question ou même, sur le chef du gouvernement lui-même.

Au Canada, il ne fait nul doute que l’impopularité déjà palpable du gouvernement de Brian Mulroney au Canada anglais a été un facteur dans l’échec du référendum sur l’accord de Charlottetown en 1992. Mulroney et son principal allié dans ce référendum, le premier ministre du Québec Robert Bourassa, ont quitté la politique dans l’année qui a suivi le référendum.

Le référendum sur le Brexit, au Royaume-Uni en 2016, a largement été vu comme une répudiation des élites politiques qui voulaient rester dans l’Union européenne. Après une défaite serrée (51,9 % pour quitter l’UE et 48,1 % pour y rester), le premier ministre David Cameron a annoncé sa démission.

Même des figures historiques comme le général de Gaulle ont vu leur carrière politique se terminer à cause d’un référendum. Après la révolte étudiante et les grèves de mai 1968, de Gaulle avait essayé de reprendre le contrôle du programme politique en proposant une régionalisation des pouvoirs et une réforme du Sénat.

Mais l’enjeu du référendum était vite devenu le général de Gaulle lui-même, qui avait alors 78 ans, et qui était au pouvoir depuis une décennie. Jouant le tout pour le tout, le général s’était engagé à démissionner si le Non l’emportait. Mais 52 % des Français ont quand même voté Non et de Gaulle a quitté la présidence le soir même.

Mais revenons au Québec. M. Legault pourrait aussi avoir un allié bien encombrant s’il décidait de faire un référendum sur l’immigration. Le chef péquiste, Paul St-Pierre Plamondon, a déjà annoncé qu’il ferait campagne avec le gouvernement Legault s’il déclenchait un référendum sectoriel. Mais attention, PSPP dit qu’il ne serait avec M. Legault que s’il demande « les pleins pouvoirs » en immigration, rien de moins.

Déjà impopulaire, M. Legault se retrouverait devant deux options tout aussi désagréables. Ou bien faire un référendum avec le PQ et se trouver à partager la scène avec celui qui serait son principal adversaire aux prochaines élections. Ou bien faire campagne contre PSPP et le PQ, qui lui reprocheront d’avoir échoué. Dans les deux cas, François Legault serait perdant.