Une bonne idée, cette nouvelle mouture du 3e lien réservée au transport collectif ?

En théorie, oui. C’est une excellente idée de relier en transport collectif les deux centres-villes de Québec et Lévis. S’opposer à ça, c’est comme dire qu’on n’aime pas la tarte aux pommes.

En pratique, ça ne fonctionnera probablement pas. Parce qu’à première vue, ce sera sans doute trop cher pour les modestes gains qu’on ferait en transport collectif.

Il y a deux questions centrales dans tout projet de transport collectif. Combien ça coûte ? Et combien transportera-t-on de citoyens ? (Autrement dit : combien de voitures retirera-t-on des routes ? )

Le coût d’un tunnel Québec–Lévis réservé au transport collectif, le gouvernement du Québec le sait. Il a été caviardé dans les études rendues publiques jeudi. Et Québec ne veut pas le dire1. Pour la transparence, on repassera.

Soyons clairs : il faut améliorer grandement l’offre de transport collectif dans les grandes villes au Québec. Il faut investir de façon importante à Québec, Lévis, Gatineau, Laval, Longueuil, Sherbrooke, etc. Là n’est pas la question.

Le problème, c’est qu’un tunnel Québec–Lévis risque de coûter visiblement trop cher pour les modestes gains en transport collectif dévoilés jeudi par le ministère des Transports.

Selon le ministère des Transports, il y aurait un achalandage de 3400 passages de Lévis vers Québec dans un tunnel de centre-ville à centre-ville réservé au transport collectif aux heures de pointe le matin en 2036. Gardons ce chiffre en tête, même si Québec ne précise pas si une partie de ces 3400 passages proviendrait des 1500 Lévisiens qui prennent actuellement l’autobus en passant par le pont de Québec.

Habituellement, la période de pointe du matin équivaut à 25 % de l’achalandage journalier d’un réseau de transport en commun. En étant très (probablement trop) optimiste, un futur tunnel Québec–Lévis aurait environ 13 600 passages en transport collectif par jour.

Quel est le prix raisonnable pour faire du transport collectif pour 13 600 nouveaux passages par jour ?

Selon nos calculs2, les contribuables paieront 1,29 milliard par tranche de 10 000 nouveaux usagers par jour pour la prolongation de la ligne bleue à Montréal. Pour la prolongation de la ligne orange du métro à Laval, 940 millions (en dollars de 2022 ajustés à l’inflation) par tranche de 10 000 nouveaux usagers par jour. Pour le REM, environ 670 millions.

Oui, c’est beaucoup d’argent, mais il est important de dépenser de telles sommes pour améliorer le transport collectif et changer nos habitudes de transport, pour réduire nos émissions de CO2.

Si on donnait à la grande région de Québec le même budget (au prorata des nouveaux utilisateurs) pour son tunnel qu’on a donné à Montréal pour la prolongation de la ligne bleue, ça donnerait un budget de 1,75 milliard pour le tunnel Québec–Lévis.

La ministre Guilbault a confirmé jeudi que le projet abandonné de deux tubes (un pour les voitures, l’autre pour le transport collectif) aurait coûté 10 milliards. Mais on ne sait rien du coût pour la nouvelle version d’un seul tunnel réservé au transport collectif.

En expliquant sa volte-face sur le troisième lien, le premier ministre François Legault dit avoir pris une décision « pragmatique » et « responsable parce qu’on gère les fonds des Québécois ».

On espère qu’il appliquera le même principe pour la nouvelle mouture du troisième lien.

Il faut investir massivement en transport collectif, mais sans dilapider les fonds publics parce qu’on s’est peinturé dans le coin politiquement.

Si le tunnel Québec–Lévis coûte 1,75 milliard de dollars pour 13 600 nouveaux passages/jour, on dit oui sans hésiter ! C’est le prix qu’on paiera pour la ligne bleue à Montréal. Il faut améliorer l’offre de transport collectif dans la région de Québec. On avait d’ailleurs appuyé avec enthousiasme ce projet structurant qu’est le tramway de Québec3.

Le problème, c’est si le coût s’avère pharaonique, même à l’échelle des projets de transport collectif. À 4 ou 5 milliards, n’y pensons même pas.

La réalité, c’est que Québec et Ottawa ont des enveloppes réservées aux projets de transport collectif (Ottawa paie habituellement 40 %). Si on choisit un projet pharaonique pour respecter une promesse électorale, ça veut dire qu’on pénalise d’autres projets de transport collectif plus efficaces et plus méritoires.

L’objectif ne doit pas être de bâtir un troisième lien coûte que coûte, mais d’améliorer le transport collectif de façon ambitieuse à Québec, à Lévis, et dans toutes les grandes villes du Québec.

1. Lisez l’article « Troisième lien réservé au transport collectif : le coût du projet caviardé par Québec »

2. Il s’agit de nos calculs, effectués à partir de données publiques, notamment les rapports d’achalandage et les coûts officiels des projets.

3. Lisez l’éditorial « Tramway : Québec accéderait (enfin) à la Ligue nationale » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion