La CAQ vient d’abandonner sa principale promesse électorale, celle de construire un troisième lien autoroutier entre Québec et Lévis.

On peut souligner le cynisme de la joute politique. On peut montrer du doigt ces politiciens qui reviennent sur leur parole une fois la victoire électorale consommée. Mais on peut aussi se réjouir que la catastrophe environnementale annoncée – la construction d’un bitube destiné majoritairement au transport en voiture – ne verra finalement pas le jour. Ouf !

On saura ce jeudi ce que la ministre des Transports a dans ses cartons, mais le maire de Québec, Bruno Marchand, a raison de saluer le courage de Geneviève Guilbault, qui est aussi une élue de Québec. Pragmatique, la vice-première ministre a décidé de « tirer la plogue » sur ce projet et c’est tout en son honneur.

Ce revirement laisse espérer que le gouvernement Legault est capable d’évoluer sur des enjeux qui semblaient être des dogmes pour la CAQ.

On souhaite maintenant que la ministre des Transports fasse preuve de la même détermination et du même gros bon sens face aux défis financiers que représentent la construction et l’entretien de nos infrastructures routières.

Face aux factures de plus en plus salées, il faut absolument repenser la façon dont on finance nos routes et nos ponts. Le statu quo est insoutenable.

Il n’y a pas 36 000 solutions, et nous l’avons déjà plaidé ici1, il faut taxer davantage les utilisateurs de ces infrastructures, c’est-à-dire les automobilistes.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Le fonds qui finance la construction et l’entretien de nos routes (le Fonds des réseaux de transport terrestre) est à sec. Pendant que les sommes provenant des droits sur l’immatriculation, des permis de conduire et d’une taxe sur l’essence stagnent à cause, entre autres, de la multiplication des véhicules électriques, le coût des travaux d’infrastructure, lui, grimpe en flèche.

L’inflation des coûts des matériaux de construction et la pénurie de main-d’œuvre spécialisée font gonfler les prix de mois en mois.

La dernière estimation pour la construction du nouveau pont de l’Île-aux-Tourtes, à l’ouest de Montréal, devrait convaincre les plus récalcitrants des anti-taxes : 2,3 milliards de dollars, soit 65 % de plus que prévu à l’origine, et ce, avant même la première pelletée de terre.

Cette facture s’ajoute aux travaux de réfection du pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, dont le coût est estimé à 2,5 milliards de dollars.

C’est sans compter les travaux de réfection majeure à venir d’un tronçon de 5 kilomètres de l’autoroute Métropolitaine ! Et on parle seulement de la région de Montréal.

À Québec, en plus de l’éventuel lien entre Québec et Lévis, il faudra entreprendre de grands travaux sur le pont Pierre-Laporte. Selon le plus récent Plan québécois des infrastructures, il faudrait consacrer 20 milliards de dollars uniquement pour la mise à niveau des infrastructures routières de la province. Ouch !

Nous sommes devant un gouffre financier. Et nous avons l’obligation morale, si nous ne voulons pas hypothéquer les générations futures, de mettre en place les solutions qui s’imposent.

Il y a au moins une mesure évidente qui s’offre à nous, et dont on discute depuis des années : instaurer une taxe kilométrique. Le plus récent plaidoyer en faveur de cette taxe – en vigueur dans plusieurs États dans le monde – se trouve dans un rapport du ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles qui date de septembre 2021 et que nous avons déjà cité ici2.

La taxe kilométrique est en outre la solution privilégiée par la majorité des experts en urbanisme et planification des transports.

On connaît l’allergie chronique de la CAQ à toute nouvelle taxe, mais le gouvernement Legault n’a plus le choix. Il doit entreprendre la réflexion tout de suite.

Le temps presse quand on sait que cela peut prendre jusqu’à dix ans pour mettre en place un nouveau système de perception de taxe.

Geneviève Guilbault doit donc faire preuve du même courage qu’elle a démontré face au projet du troisième lien.

Elle doit convaincre son gouvernement qu’en politique, il n’y a aucune vache sacrée. Même pas une nouvelle taxe.

1. Lisez l’éditorial « Remplacer la taxe sur l’essence, pas l’abolir » 2. Consultez le rapport « L’écofiscalité et l’amélioration de la mobilité durable au Québec » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion