Si tu veux la paix, prépare la guerre.

Il y a longtemps que cet adage n’avait pas semblé aussi pertinent.

Le retour du nationalisme des grandes puissances et la recomposition géopolitique en cours nous forcent à faire des questions de sécurité nationale et de défense une priorité.

Pourtant, le Canada tergiverse et, s’il avance dans la bonne direction, il le fait à pas de tortue.

Lundi, 62 personnalités canadiennes qui ont à cœur la sécurité nationale ont pris la plume pour le déplorer.

D’anciens ministres de la Défense, d’anciens chefs d’état-major et plusieurs ex-politiciens, fonctionnaires et diplomates affirment que « la sécurité et la défense nationale du pays » sont « en péril ».

S’ils sonnent l’alarme, c’est que le récent budget fédéral a été franchement décevant quant aux investissements attendus en défense. On n’y trouve à peu près pas de nouvelles dépenses.

C’est décourageant.

C’est vrai, le Canada est en mode rattrapage depuis quelques années. On a annoncé l’achat de nouveaux avions de combat et des investissements pour moderniser le Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD), par exemple.

Mais l’écart s’était tellement creusé au cours des deux décennies précédentes que le gouvernement fédéral a besoin d’appuyer encore plus fort sur l’accélérateur.

« Des années de restrictions, de réduction des coûts, de diminution des effectifs et de report des investissements ont entraîné une atrophie des capacités de défense du Canada. Nos capacités militaires sont dépassées et terriblement inadéquates pour protéger notre masse continentale et nos espaces maritimes », résument les signataires de la lettre en question.

On aurait tort de prendre leurs inquiétudes à la légère ou de penser que ce sont des élucubrations de va-t-en-guerre.

Tout comme on aurait tort de penser que le Canada est à l’abri des menaces.

D’abord, une agression comme l’attaque russe contre l’Ukraine nous concerne au premier chef et nécessite notre implication via l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN).

Mais la défense de la souveraineté de notre territoire pose aussi problème. Le survol de notre territoire par un ballon-espion chinois et la multiplication des cyberattaques démontrent à la fois que nous sommes menacés et mal équipés pour affronter les nouveaux risques.

Faut-il rappeler, par ailleurs, que l’Arctique est maintenant un territoire convoité par des rivaux stratégiques comme la Russie et la Chine. Et on aurait beaucoup de mal, actuellement, à les en dissuader.

Ou même à convaincre nos alliés que nous faisons notre juste part en matière de défense.

Normal. Pour donner suite à son engagement de consacrer 2 % du produit intérieur brut du pays (PIB) aux dépenses militaires, le gouvernement canadien devrait investir quelque 75 milliards de dollars de plus en cinq ans. Une somme colossale.

On peut comprendre les hésitations du gouvernement Trudeau. L’argent ne pousse pas dans les arbres. Pour investir des sommes plus substantielles en défense, il faudra couper ailleurs. Et ça signifie, oui, qu’il faudra faire des choix difficiles.

PHOTO LARS HAGBERG, REUTERS

Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau

Mais c’est le prix qu’il faut payer pour défendre notre souveraineté et, plus largement, la démocratie dans un monde de plus en plus chaotique.

Ne nous berçons pas d’illusions : aucun gouvernement, qu’il soit libéral ou conservateur, ne va faire grimper ses dépenses militaires de 75 milliards de dollars aussi rapidement.

Mais Ottawa devrait rehausser ses dépenses militaires de façon décisive, tout en se dotant d’un plan pour parvenir à 2 % du PIB à moyen terme. Il lui faudrait aussi trouver des façons pour que cet argent soit dépensé, car c’est encore un défi trop difficile à surmonter en raison de la complexité du processus.

Se borner à privilégier le statu quo, c’est manquer à ses responsabilités.

C’est l’équivalent de danser sur un volcan.

N’est-ce pas, d’ailleurs, ce que le chef de l’opposition officielle à Ottawa martèle ces jours-ci ? N’est-ce pas la priorité de Pierre Poilievre ?

PHOTO PATRICK DOYLE, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre

Euh… Non. Le chef conservateur préfère s’attaquer aux journalistes.

Sa guerre contre la CBC se poursuit. Après avoir convaincu Twitter d’accoler au réseau l’étiquette de « média financé par le gouvernement », il a soutenu que ce dernier relaie la « propagande » du gouvernement libéral.

Ce n’est pas en menant ce genre de guerre, aussi stérile que malhonnête, qu’on va œuvrer pour la paix et protéger l’ordre international.

Lisez la lettre : « La sécurité et la défense nationale du pays en péril » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion