On dit qu’un chat échaudé craint l’eau froide. Mais Justin Trudeau, lui, a le don de se mettre lui-même dans l’eau chaude à répétition. Plus spécialement l’eau turquoise des Caraïbes.

Ses vacances en famille ont beau avoir fait scandale à maintes reprises, le premier ministre a tout de même choisi de célébrer le Nouvel An dans une villa de grand luxe au bord de la mer en Jamaïque.

Sable blanc, piscine de rêve, tennis privé… Bienvenue dans la vie des gens riches et célèbres !

Facture pour le contribuable canadien : au moins 162 000 $, selon Radio-Canada. Un montant qui exclut les frais d’utilisation du Challenger de la Défense nationale pour transporter la famille.

Le premier ministre devrait pourtant savoir que ce genre de voyage crée des vagues politiques.

En 2016, ses vacances familiales à la résidence du richissime Aga Khan, aux Bahamas, s’étaient soldées par une facture de 215 000 $ pour les contribuables… et un blâme du Commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique.

En 2021, il avait dû s’excuser d’avoir fait une escapade à Tofino, sur l’île de Vancouver, au lieu d’accepter une invitation pour célébrer avec une communauté autochtone la toute première Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, instaurée par son gouvernement.

Faire amende honorable, c’est bien. Mais encore faut-il ne pas répéter les mêmes erreurs en boucle.

Cette fois, il est vrai que Justin Trudeau a obtenu le feu vert du Commissaire à l’éthique avant de se rendre à cette villa appartenant à la famille de Peter Green, ami de longue date de la famille Trudeau.

De plus, le premier ministre a remboursé l’équivalent du prix d’un vol commercial pour lui et sa famille, quoiqu’on ne sache pas s’il a payé d’autres frais de sa poche, notamment pour l’hébergement. Ce point mérite d’être éclairci.

Mais au-delà de la question éthique, il y a la question des perceptions de la part du grand public qui peine à joindre les deux bouts avec l’inflation qui a atteint 6,8 % l’an dernier.

C’est ici que ça accroche.

En passant ses vacances dans un paradis terrestre, Justin Trudeau projette l’image d’un politicien élitiste qui fraie avec des multimillionnaires tirant les ficelles du pouvoir, alors que le Parti libéral répète sans cesse qu’il prend soin de la fameuse « classe-moyenne-et-ceux-qui-travaillent-fort-pour-en-faire-partie ». Une classe moyenne qui a encore sur le cœur le fouillis au bureau des passeports et dans les aéroports.

Bien sûr, les chefs d’État ont le droit à des vacances en famille, comme tout le monde. Ils travaillent fort, ils ont droit de recharger leurs batteries. Et comme ils ne peuvent pas prendre un vol commercial pour aller dans un tout-inclus, sécurité oblige, les contribuables doivent s’attendre à payer la facture.

Reste que les politiciens doivent faire preuve de jugement s’ils ne veulent pas qu’on les accuse d’être déconnectés des électeurs qu’ils représentent.

Déconnectés parce qu’ils prennent leurs vacances avec des gens fortunés, comme le président français Nicolas Sarkozy qui avait séjourné sur le yacht du milliardaire Vincent Bolloré en 2007, ce qui avait soulevé un tollé.

Déconnectés parce qu’ils prennent congé au mauvais moment, comme le sénateur américain Ted Cruz qui s’est envolé pour Cancún alors que le Texas était secoué par une tempête. Ou comme le premier ministre Doug Ford qui faisait de la motoneige à sa résidence secondaire, alors que les camionneurs envahissaient Ottawa.

Tout ça paraît mal. Bien mal.

Avec ses vacances en Jamaïque, Justin Trudeau sert du pain bénit à Pierre Poilievre qui n’a pas manqué de le griller à la Chambre des communes. Remarquez que les conservateurs ont aussi connu leurs excès, lorsqu’ils étaient au pouvoir. L’ancien chef Stephen Harper s’était notamment permis un week-end de 45 000 $ pour assister à un match de baseball à New York.

Reste que Justin Trudeau, qui patauge depuis des semaines sur la question de l’ingérence chinoise, n’avait pas besoin de plonger son parti dans l’eau chaude, une fois de plus.

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