Imaginez si votre déclaration de revenus arrivait par la poste, déjà toute remplie par le fisc. Vous pourriez y apporter des ajustements au besoin. Mais sinon, tout se ferait automatiquement. Et gratuitement.

Un rêve impossible ? Loin de là. Ça fonctionne exactement comme ça en Finlande, pays pionnier en la matière, et dans une trentaine d’États où la saison des impôts roule pratiquement sur le pilote automatique.

Au Canada, malheureusement, l’opération reste un chemin de croix. Cela fait en sorte que 12 % des Canadiens ne produisent pas leur déclaration, se disant que leurs revenus ne sont pas assez élevés pour quils aient des impôts à payer de toute façon.

Grave erreur !

En agissant ainsi, ils se privent d’une foule de prestations et de mesures d’aide fiscale évaluées à 1,7 milliard de dollars par année1. Le plus triste, c’est que ce sont souvent des personnes moins nanties et plus vulnérables – étudiants, personnes âgées, familles monoparentales – qui laissent filer l’aide précieuse à laquelle ils ont droit.

Les sommes perdues peuvent être colossales. Par exemple, une mère gagnant 45 000 $ par année qui vit seule avec deux jeunes enfants perdrait près de 19 000 $ d’allocations pour enfants de la part de Québec et Ottawa en oubliant de produire sa déclaration de revenus.

Ce n’est pas rien.

Dans le discours du Trône de 2020, le gouvernement Trudeau s’était engagé à mettre en place un système automatisé de déclaration de revenus pour s’assurer que tous les citoyens reçoivent leur dû.

Jusqu’à maintenant, les avancées restent timides. Mais dans son budget de mars, Ottawa a annoncé l’essai d’un nouveau service de production automatique pour les plus vulnérables, système qui pourrait ensuite être élargi.

Idem à Québec qui proposera dès l’année fiscale 2023 un service de déclaration préremplie aux particuliers ayant un profil fiscal simple. Ce projet pilote pourrait ensuite être étendu.

Espérons-le. Car faut-il rappeler qu’on est en 2023 ? On n’est plus à l’époque où les contribuables gardaient leurs reçus dans une boîte à chaussures. Dans bien des cas, les gouvernements disposent déjà de l’information nécessaire pour produire la déclaration de revenus des particuliers.

La preuve, c’est que les logiciels d’impôt ont déjà une fonction permettant de télécharger automatiquement les renseignements fiscaux que possède le gouvernement : revenus d’emploi, placements, etc.

Il ne manque donc pas grand-chose pour véritablement automatiser la déclaration de revenus.

À l’heure actuelle, environ le tiers des familles ont une situation fiscale assez simple pour que le fisc puisse remplir leur déclaration automatiquement avec les informations dont il dispose, selon une évaluation de l’Institut C.D. Howe2.

Ce pourcentage pourrait grimper si le gouvernement demandait à différents organismes de lui transmettre directement l’information fiscale sur les dons de bienfaisance ou les droits de scolarité, par exemple. Non seulement ça simplifierait la vie des contribuables, mais ça éviterait aussi les oublis de leur part.

Certains diront que notre système fiscal est trop complexe pour qu’on puisse automatiser la déclaration de tous les contribuables. À cela, on peut fournir deux réponses.

Premièrement, rien n’empêcherait le fisc de fournir une déclaration préremplie aux contribuables qui pourraient ensuite ajouter eux-mêmes les mesures fiscales plus spécifiques auxquelles ils ont droit, comme les frais médicaux, les revenus de location ou de travail autonome.

Deuxièmement, il est temps que les gouvernements fassent un grand ménage dans la longue liste des crédits et déductions qui ne fait que s’allonger au gré des promesses électorales.

En 2015, la Commission d’examen sur la fiscalité, mandatée par Québec, avait recensé une trentaine de mesures à éliminer… comme le congé fiscal pour les marins qui ne concerne qu’une poignée de contribuables, mais qui alourdit la déclaration de millions de Québécois.

Huit ans plus tard, on attend toujours un grand coup de balai.

La complexité inutile de notre système fiscal a un coût énorme.

Il y a déjà 10 ans, l’Institut Fraser évaluait que les Canadiens dépensaient jusqu’à 6 milliards de dollars chaque année pour produire leur déclaration3. La facture est certainement bien plus élevée aujourd’hui.

Sans aide, les contribuables ont du mal à s’y retrouver, d’autant que la qualité du service fourni par les centres de contact de l’Agence du revenu du Canada est un important facteur de plaintes depuis des années, selon le dernier rapport annuel de l’Ombudsman des contribuables.

Renseignements contradictoires ou incohérents, appels interrompus prématurément… Et les choses ne risquent pas de s’améliorer avec la grève des fonctionnaires fédéraux qui menace.

Vrai, il existe des bénévoles dévoués pour aider les contribuables plus démunis à s’y retrouver. Mais il n’est pas normal que le fardeau de notre système fiscal trop complexe retombe lourdement sur le milieu communautaire qui gratte lui-même les fonds de tiroirs.

Pourquoi ne pas suivre l’exemple de la Finlande avec une déclaration préremplie ? L’intention politique est là. La technologie le permet. Il faut appuyer sur l’accélérateur pour simplifier la vie des contribuables et s’assurer que chacun touche son dû.

1 Consultez l’article de la revue Canadian Public Policy : « Who Doesn’t File a Tax Return? A Portrait of Non-Filers » (en anglais) 2 Consultez le rapport de l’Institut C.D. Howe (en anglais) 3 Consultez le rapport de l’Institut Fraser (en anglais) Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion