Quelle mauvaise surprise : plus de 15 ans après la « crise » des accommodements raisonnables, la question des locaux de prière dans les écoles refait surface.

Attendez-vous à du bruit, à des débats acerbes, à un grand nombre de chemises déchirées.

S’il s’agissait de régler de réels problèmes – et il n’en manque pas dans notre système d’éducation –, on dirait qu’il s’agit d’un mal nécessaire.

Mais ce n’est pas du tout le cas ici.

Certains de nos politiciens, encore une fois, sont malheureusement en train d’agiter des épouvantails.

Ce qui a mis le feu aux poudres, ce sont des élèves musulmans qui se sont retrouvés à prier, faute de local, dans des cages d’escalier et les stationnements de deux écoles secondaires de Laval.

Voyant cela, les écoles ont ouvert des classes vides, le midi, pour accommoder les élèves en attendant de trouver des solutions permanentes. Un bel exemple d’un accommodement raisonnable qui ne dérange personne.

Les histoires ont été rapportées par Cogeco Nouvelles, puis se sont retrouvées à l’Assemblée nationale. Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a rapidement déclaré que les prières n’ont pas leur place à l’école et qu’il donnera une directive pour les interdire dans les salles de classe.

Les députés ont aussi adopté à l’unanimité une motion déposée par le Parti québécois affirmant que les locaux de prière dans les écoles vont « à l’encontre du principe de laïcité ».

On croyait pourtant cette question réglée – et pas précisément dans ce sens.

En 2006, la Commission des droits de la personne a conclu que l’École de technologies supérieures (ETS) n’avait « pas rempli son obligation d’accommodement raisonnable » en ne fournissant pas un local de prière aux étudiants musulmans qui en faisaient la demande.

On est ici dans le fameux principe de l’accommodement raisonnable, qui stipule qu’une institution doit tenter d’accommoder les minorités si cela n’implique pas de contrainte excessive pour elle.

Dans le cas de l’ETS, la Commission précisait que fournir un local exclusivement aux musulmans représenterait une « contrainte excessive ».

L’ETS a donc créé un local multiconfessionnel dans lequel les étudiants peuvent se recueillir de la façon qu’ils le veulent bien. Aujourd’hui, de tels locaux sont courants dans les universités, les hôpitaux, les aéroports. On ne peut pas dire que ça ébranle les bases de notre société laïque.

Bien sûr, il peut y avoir des accrochages. Dans le cas des écoles de Laval, il a été rapporté que les filles n’étaient pas les bienvenues dans les locaux de prière. C’est évidemment inadmissible, mais voilà le genre de problème qui devrait se régler par une intervention de la direction de l’école. Pas à l’Assemblée nationale !

Le ministre Bernard Drainville a précisé mercredi que prier est « un droit fondamental ». Mais il a demandé du même souffle aux élèves de le faire « silencieusement ». Il faudra qu’il nous explique dans quelle charte des droits, et à quel article, il a pigé une telle restriction.

Québec solidaire s’est de son côté illustré en patinage artistique en votant pour la motion du Parti québécois… puis en précisant immédiatement après que le parti est en faveur des locaux de recueillement, mais pas de prière. Une pirouette sémantique peu convaincante.

On s’étonne par ailleurs que le Parti libéral ait aussi joué dans ce film.

Bernard Drainville nous dit que nos écoles doivent être laïques. Nous sommes tous d’accord. Mais la laïcité n’implique pas d’effacer toute trace de religion chez les citoyens qui fréquentent nos institutions publiques.

Des élèves qui se recueillent dans des classes ne menacent aucunement la séparation de l’Église et de l’État. Ils n’exercent aucun pouvoir politique ou administratif. De quoi a-t-on peur exactement ? Le raisonnement du ministre ne tient pas la route.

La controverse actuelle relance l’idée de créer un « bureau des accommodements » qui aiderait les écoles et les autres institutions à baliser leurs interventions dans ce terrain malheureusement si miné.

En attendant, si l’État québécois se préoccupait réellement de la laïcité en éducation, il se pencherait sur la question des subventions aux écoles privées religieuses, dans lesquelles enseignement et religion sont souvent inextricablement liés.

Voilà ce qu’on appelle un vrai problème.

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