(Québec) Bernard Drainville promet d’envoyer une directive qui interdit aux écoles publiques du Québec d’aménager une salle de prière à même leurs locaux. Les élèves qui souhaitent se recueillir, a-t-il dit, peuvent le faire en silence.

Le ministre de l’Éducation a rectifié le tir, mercredi, alors qu’il affirmait la veille au Journal de Québec qu’un local de prière dans une école, s’il y en avait un, devait surtout être accessible aux élèves de toutes les confessions religieuses.

« Il y a toutes sortes de façons de prier. Je ne peux pas interdire la prière, [mais] j’interdis les salles de prière dans les salles de classe. Maintenant, si quelqu’un veut prier silencieusement, c’est son droit fondamental », a finalement dit M. Drainville avant la période des questions.

Lundi, Cogeco Nouvelles a rapporté que deux écoles secondaires de Laval, l’école Mont-de-La Salle et l’École d’éducation internationale de Laval, avaient aménagé des salles de recueillement dans des classes, alors que des groupes d’élèves priaient dans des lieux inappropriés, comme dans les cages d’escalier ou dans le stationnement. Le 98,5 FM a également cité le témoignage d’un employé de l’École d’éducation internationale qui affirmait qu’un enseignant se serait improvisé imam et que des filles auraient été refusées à l’entrée du local.

Questionné par La Presse, le centre de services scolaire de Laval a déclaré que le local de recueillement à l’école Mont-de-La Salle était ouvert à tous, sans égard à la religion ou au genre des élèves. « Les filles autant que les garçons pouvaient utiliser le local. […] Le recueillement devait se faire de façon individuelle et aucune animation spirituelle ou religieuse du local n’était permise. Ce local était non confessionnel », a-t-on indiqué.

« En ce qui concerne l’École d’éducation internationale de Laval, aucun local de recueillement n’est accessible présentement », a-t-on ajouté.

Au 98,5 FM, mardi, le directeur général du centre de services scolaire, Yves Michel Volcy, a également dit qu’aucun imam n’était entré dans l’école et que les filles n’avaient pas été exclues du local.

Que dira la directive ?

M. Drainville, qui est le père de la charte des valeurs du gouvernement péquiste de Pauline Marois, a affirmé mercredi qu’il enverrait une directive à tous les centres de services scolaires afin de préciser qu’une salle de prière ne peut pas être aménagée dans une classe. « Mon enjeu, ce sont les salles de classe », a-t-il dit.

Honnêtement, l’école, ce n’est pas un lieu de prière. C’est pas compliqué !

Bernard Drainville, ministre de l’Éducation

Or, pendant sa mêlée de presse, Bernard Drainville n’a pas précisé si sa directive permettrait à une école d’aménager un local de recueillement ailleurs dans l’établissement, comme dans un gymnase. Questionné à ce sujet, son cabinet a finalement déclaré mercredi que la directive du ministre visera les salles de classe et tous les locaux. Les écoles privées et les écoles privées subventionnées qui ont des lieux de prière ne seraient pas visées.

À la sortie du Conseil des ministres, mercredi, le ministre de la Justice et père de la Loi sur la laïcité de l'État, Simon Jolin-Barrette, a refusé de commenter la nouvelle. Le ministre responsable de la Laïcité, Jean-François Roberge, a plus tard affirmé que « dans le respect de l’État de droit [et] de la loi sur la laïcité, il a été clairement établi que nos écoles sont laïques. On ne peut pas avoir des locaux de prière dans des écoles publiques d’un État laïque. »

Le PQ craint un effet de contagion 

En point de presse, mercredi, le député péquiste Pascal Bérubé a pour sa part affirmé qu’il craignait un effet de contagion à travers le réseau scolaire si le ministre de l’Éducation n’interdisait pas immédiatement les lieux de prière.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Pascal Bérubé, député du Parti québécois

« L’école n’est pas un lieu de culte. Si on accepte ce qui se passe à Laval, ça devient jurisprudence. Il y aura des demandes ailleurs », a-t-il affirmé.

On peut prier seul, on ne s’en rendra pas nécessairement compte. Mais une pratique organisée de prière dans un local encadré par l’école n’a pas lieu d’être.

Pascal Bérubé, porte-parole du Parti québécois en matière de laïcité et d’éducation

Le Parti québécois a déposé au Salon bleu une motion qui affirme que « la mise en place de lieux de prière, peu importe la confession, dans les locaux d’une école publique va à l’encontre du principe de laïcité ». Les députés de toutes les formations politiques l’ont appuyée.

Après son adoption, Québec solidaire (QS) a précisé que le parti « n’a pas de problème à ce que des salles de méditation » soient aménagées dans les écoles « s’il y a des salles de classe disponibles et que celles-ci sont accessibles à tous et à toutes, peu importe la confession ou l’absence de confession ».

La porte-parole en éducation pour le Parti libéral, Marwah Rizqy, a affirmé « qu’avant toute chose, l’école est un lieu laïque dont la mission fondamentale est l’apprentissage ».

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

La porte-parole du Parti libéral en matière d’éducation, Marwah Rizqy

« Concernant la situation spécifique qui a été rapportée dans les médias à l’effet qu’un enseignant aurait mené une prière dans une classe et jouait un rôle d’imam, et que l’accès aurait été interdit aux filles, c’est préoccupant et inacceptable », a-t-elle ajouté.

Il revient au ministre Drainville d’établir une directive avec des balises claires qui assurera que les principes de laïcité de l’État, d’égalité hommes-femmes et de liberté de religion soient respectés.

Marwah Rizqy, porte-parole du Parti libéral en matière d’éducation

Le président-directeur général du Conseil national des musulmans canadiens, Stephen Brown, s’est dit pour sa part « très préoccupé » par la sortie du ministre Drainville. Son organisme, qui conteste la Loi sur la laïcité de l’État devant les tribunaux, attend avec impatience la publication de la directive.

« Ça me semble vraiment être une question politique et pas une question de droit. Le gouvernement ne devrait pas dicter aux gens comment ils devraient se recueillir. On est en train encore une fois de troquer les droits des minorités pour ‟scorer” des points politiques dans l’actualité. C’est ça qui est le plus décevant », a-t-il dit.