Le système censé protéger les enfants les plus vulnérables du Québec est sous tension : environ 1000 postes vacants, des employés à bout de souffle, pas loin de 5000 enfants en attente d’une évaluation… et toujours personne pour parler en leur nom.

La Directrice nationale de la protection de la jeunesse, Catherine Lemay, est en poste depuis bientôt deux ans. Elle a été nommée en mars 2021 par le ministre Lionel Carmant, dans la foulée du dépôt du rapport de la commission Laurent. Cette commission avait été mise sur pied à la suite du décès tragique d’une fillette de 7 ans, connue de la DPJ, à Granby, en 2019.

Les auteurs de ce rapport explosif recommandaient aussi la création d’un poste de commissaire au bien-être et aux droits des enfants – une sorte d’ombudsman comme on en trouve en Ontario.

Dans le contexte actuel, ce poste est plus pertinent – et urgent – que jamais. Or on attend toujours celui ou celle qui parlera haut et fort au nom des jeunes les plus vulnérables de la société.

Celui ou celle qui brassera la cage du système quand il dérape ou qu’il ne remplit pas son mandat comme c’est trop souvent le cas.

En attendant qu’il soit nommé, il ne faut pas se surprendre si tous les regards sont tournés vers la Directrice nationale, Catherine Lemay. Les attentes à son endroit sont grandes. Trop grandes ? La question se pose. En effet, il semble exister une certaine confusion quant à son mandat. On lui reproche par exemple de ne pas prendre la défense des enfants sur la place publique alors que dans les faits, ce n’est pas son rôle, mais bien celui de ce futur commissaire qui se fait tant attendre.

Son rôle à elle, et Mme Lemay l’a maintes fois rappelé en entrevue, c’est d’harmoniser les services, de rendre l’appareil plus efficace et de mettre en place les recommandations de la commission Laurent, une priorité pour le ministre Carmant aussi, nous assure-t-on.

Il faut donc applaudir l’adoption somme toute rapide de la nouvelle Loi sur la protection de la jeunesse, il y a un an, qui a placé les intérêts de l’enfant au-dessus de tout. Et on ne doute pas que Mme Lemay et son équipe travaillent fort en coulisses.

Le problème, c’est que ni les employés du réseau ni le public ne sont en mesure d’apprécier le travail accompli.

La création d’une Direction nationale de la protection de la jeunesse a-t-elle amélioré la situation des enfants ? Deux ans plus tard, il est très difficile de répondre à cette question. C’est un problème.

La Protection de la jeunesse devrait s’inspirer de la Santé publique. Comment ? En communiquant davantage et en étant plus transparente.

Imagine-t-on le Directeur de la santé publique ne s’adressant jamais à la population et ne rendant pas compte de son travail ?

Non. Le DSPQ est visible et ses informations sont facilement accessibles et vulgarisées.

Il faut qu’il en soit de même à la Direction nationale de la protection de la jeunesse.

Mme Lemay devrait également aller plus souvent sur le terrain. En deux ans, elle n’a jamais fait la tournée des installations sous sa responsabilité. Ses employés ne la connaissent pas et ne savent pas ce qu’elle fait.

On nous dit qu’il est plus facile d’avoir accès au ministre Carmant qu’à sa sous-ministre. Ce n’est pas normal.

La Directrice nationale devrait également mettre en place des indicateurs clairs et facilement accessibles, autres que les rapports annuels, qui informeraient la population sur la performance de son réseau. De tels indicateurs de rendement existent en Ontario.

Plus l’information est disponible, plus la population sera sensibilisée à la situation des enfants vulnérables.

À l’heure actuelle, ceux et celles qui travaillent au sein de la DPJ parlent de leur réseau comme d’un presto prêt à exploser. On craint qu’une autre tragédie comme la mort de la fillette de Granby survienne. Ces employés peuvent s’exprimer par la bouche de leur syndicat. Les enfants, eux, n’ont pas de voix.

La nomination d’un commissaire au bien-être et au droit des enfants est plus nécessaire que jamais.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion