Vous trouvez que la pollution émise par la Fonderie Horne est scandaleuse ?

Attachez vos tuques. Parce qu’il y a encore plus troublant.

La majorité des entreprises qui rejettent des contaminants dans l’environnement ne font même pas l’objet d’un plan de réduction supervisé par Québec, comme c’est le cas de la Fonderie. Et contrairement à elle, ces entreprises ne paient pas un cent pour compenser leurs rejets industriels.

Ça doit changer.

Le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette, a annoncé cette semaine son intention de hausser considérablement les droits de polluer imposés aux établissements qui émettent des contaminants dans l’air et dans l’eau1.

Bravo. Ces droits n’ont pas été indexés depuis 30 ans et il y a un sérieux rattrapage à faire.

Mais ce que le gouvernement provincial omet de dire, c’est qu’il ne puise pas dans toutes les poches.

Seuls 85 établissements appartenant à deux secteurs précis – les pâtes et papiers ainsi que l’industrie minière et la première transformation des métaux – doivent payer pour compenser leurs rejets industriels.

Les autres secteurs, eux, échappent à la réglementation. Pourquoi ? Mystère. À Québec, personne n’a pu nous l’expliquer clairement.

On sait toutefois que les ambitions du ministère de l’Environnement ont déjà été plus grandes.

Sur son site web, le Ministère dit viser à assujettir non pas 85 établissements appartenant à deux secteurs industriels, mais bien 200 établissements qualifiés de « majeurs » dans cinq secteurs distincts2.

Après les pâtes et papiers et la transformation des métaux, « un troisième grand secteur est prévu à être assujetti prochainement », peut-on y lire. Or, aucun nouveau secteur n’a été ajouté à la réglementation depuis 2002. Et au cabinet du ministre Charette, on nous dit que ce n’est pas dans les intentions à court terme.

Cette situation est illogique et injuste.

Un rejet de métaux lourds provoque les mêmes dommages qu’il émane d’une entreprise minière ou d’une usine du secteur de l’industrie chimique. Pourtant, cette dernière n’a rien à payer pour ses rejets industriels.

Malgré cet angle mort gros comme un pan de mur, il faut saluer la volonté du ministre Charette de hausser le prix de la pollution au Québec pour la première fois en trois décennies.

Pour l’instant, les entreprises polluantes sont dans la situation d’un client qui entrerait dans une épicerie pour découvrir qu’on y vend les aliments aux prix d’il y a 30 ans. Ou d’un locataire qui signerait un bail au même loyer qu’en 1993.

Elles se frottent les mains, ne pouvant croire leur chance.

Ensemble, les pollueurs québécois versent à peine six millions de dollars au gouvernement pour compenser leurs rejets industriels. C’est très, très maigre.

Les hausses proposées par Québec sont considérables. Le coût d’émettre une tonne d’arsenic ou de cadmium dans l’environnement, par exemple, passerait de 400 $ actuellement à 908 000 $ en 2026.

Malheureusement, l’effet dissuasif de ces augmentations est atténué par le fait que Québec fixe aussi un montant maximal annuel pouvant être payé par un même établissement. Ce plafond, actuellement à un million de dollars, passerait à deux millions.

Ça veut dire qu’au-delà d’un certain seuil, une entreprise peut polluer sans payer. C’est problématique considérant que les risques pour la santé et l’environnement augmentent avec la quantité de matières toxiques rejetées. Ce plafond devrait être aboli.

De vives inquiétudes entourent finalement l’utilisation des fonds recueillis en vertu de ces pénalités environnementales. Le communiqué de presse publié cette semaine affirme que les sommes pourraient être « réinvesties afin d’améliorer la performance environnementale de l’industrie ».

Une « approche circulaire », selon les mots mêmes du Ministère, qui laisse craindre que Québec prenne l’argent des pollueurs d’une main et le leur redonne de l’autre. Ce serait vraiment aberrant.

Les fonds recueillis devraient plutôt servir à mieux documenter les rejets toxiques et à atténuer leurs effets sur la santé humaine et sur l’environnement.

Le ministre Charette a raison de vouloir augmenter le prix de la pollution au Québec. Mais il reste beaucoup de travail à faire pour accoucher d’une politique complète et cohérente de compensations des rejets industriels.

1. Lisez l’article « Rejets industriels : polluer coûtera beaucoup plus cher aux entreprises » 2. Consultez le « Programme de réduction des rejets industriels et l’autorisation ministérielle relative à l’exploitation d’un établissement industriel » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion
En savoir plus
  • Secteurs que Québec dit vouloir viser par son programme de réduction des rejets industriels 
    • Pâtes et papiers
    • Industrie minérale et de la première transformation des métaux
    • Industrie de la chimie organique et de la chimie inorganique
    • Transformation du métal (industrie du traitement de surface et de la métallurgie secondaire)
    • Industrie de l’agroalimentaire, de la transformation du bois et des textiles
    source : Ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs
  • Secteurs réellement assujettis à la réglementation
    • Pâtes et papiers
    • Industrie minérale et de la première transformation des métaux
    source : Ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs