La ministre des Transports, Geneviève Guilbault, peut être d’une redoutable efficacité en matière de gestion de crise. On le sait depuis qu’on l’a vue à l’œuvre comme ministre de la Sécurité publique, en 2019, alors que le Québec était frappé par des inondations dramatiques.

La voici donc de retour d’un voyage en Europe écourté, annonçant de nouvelles mesures pour mettre fin au chaos à la Société de l’assurance automobile du Québec.

C’est exactement ce qu’il fallait faire.

Les dirigeants de la SAAQ avaient annoncé certaines initiatives, en catastrophe, quelques jours plus tôt. On avait par exemple ajouté des employés pour accueillir des clients et pour les aider à s’inscrire en ligne.

Ça ne suffisait pas.

Il fallait trouver des façons d’avoir un impact direct sur l’achalandage.

C’est l’objectif que la ministre Guilbault cherche à atteindre. Notamment en accordant un sursis de 90 jours pour le renouvellement des permis de conduire dont l’échéance était prévue entre le 9 mars et le 1er juin.

L’aplomb manifesté par la ministre a été rassurant et a tranché avec le mutisme de son collègue Éric Caire, qui détient le portefeuille de la Cybersécurité et du Numérique. Il a fallu attendre à mercredi, en fin de journée, pour qu’il aborde le sujet publiquement. Et quand il l’a fait, ce fut par-dessus tout pour se dédouaner.

Il est pourtant au cœur de la tempête et il a un rôle fondamental à jouer en lien avec cette crise.

Car c’est un manque de planification qui, à la base, est à la source des ratés du virage numérique de la SAAQ. Et si un ministère doit en tirer des leçons pour éviter que ce fiasco ne se reproduise au sein de l’appareil gouvernemental, c’est celui de la Cybersécurité et du Numérique.

C’est en partie pour cette raison que ce (jeune) ministère a été créé.

Le ministre Caire semble néanmoins, heureusement, avoir compris qu’il est important de poser un diagnostic précis sur ce qui vient de se passer avant qu’un autre ministère soit appelé à prendre un virage numérique similaire. Et qu’il va falloir trouver des réponses à certaines questions importantes.

On a appris au cours des derniers jours que des employés de la SAAQ avaient alerté leurs dirigeants : ils estimaient que la transition numérique allait trop vite. Pourtant, le rythme n’a pas ralenti. Pourquoi ?

Bon nombre de services offerts par la SAAQ ont été suspendus à partir de la fin du mois de janvier, pendant quelques semaines, afin de permettre la migration vers la nouvelle plateforme. Par la suite, la plateforme SAAQclic a connu des ratés.

Un peu comme lors de la crise des passeports au fédéral, il ne fallait pas être devin pour savoir que l’achalandage dans les succursales de la SAAQ allait bondir. Les services avaient été interrompus et on les relançait alors qu’on avait les deux pieds dans un virage numérique, en pleine semaine de relâche, avec des employés en vacances !

Pourtant, comme chez Passeport Canada, on ne semble pas avoir prévu le coup. Pourquoi ?

Il faut aussi chercher à comprendre, de façon plus générale, qu’est-ce qui ne tourne pas rond dans la démarche qui a été conçue, à Québec, pour la transformation numérique. Et assurément trouver des façons d’embaucher plus d’experts en informatique. On en manque.

Car ce que la crise à la SAAQ prouve, c’est que la transition de l’ensemble des Québécois vers une identité numérique (le Service d’authentification gouvernementale ou SAG), aussi essentielle soit-elle, ne se fera pas en criant ciseau.

Il serait cependant intolérable qu’elle se fasse, au cours des prochaines années, dans la douleur.

La place que le numérique va prendre dans les opérations gouvernementales au cours des prochaines années ne va pas diminuer, bien au contraire. On n’a encore rien vu, si on se fie aux nouveaux développements qui s’annoncent dans le domaine de l’intelligence artificielle.

La logique impose donc de trouver rapidement des solutions à long terme au chaos informatique qui prévaut à Québec… et qu’Éric Caire prenait un malin plaisir à dénoncer lorsqu’il était sur les bancs de l’opposition.

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