Vos bobos, les gros comme les petits. Les médicaments que vous prenez. Le fait que vous avez peut-être déjà subi un avortement. Ou que vous souffrez de problèmes de santé mentale.

Vos informations de santé sont hautement confidentielles. Vu leur caractère si personnel, on peut en venir à croire que la meilleure façon de les protéger est de les inscrire sur un papier, d’enfermer celui-ci dans le coffre-fort d’une clinique et d’en confier l’unique clé à votre médecin de famille (si vous avez la chance d’en avoir un).

On caricature, mais c’est à peu près de cette façon que notre système de santé fonctionne actuellement. Et cela cause un sacré paquet de problèmes.

Voilà pourquoi le gouvernement Legault a déposé un projet de loi – le numéro trois – sur les renseignements de santé. L’objectif : « favoriser une circulation plus fluide et sécuritaire des renseignements de santé et de services sociaux ».

Le gouvernement veut que les données « suivent le patient » au lieu d’être liées à un établissement de santé en particulier.

Il vise en plein dans le mille.

Pour l’instant, les médecins et les autres professionnels de la santé qui tentent de nous soigner doivent continuellement se faxer des données les uns les autres pour tenter de comprendre de quels maux nous souffrons, quelles interventions nous avons déjà subies et quels résultats sont disponibles.

Trop souvent, les patients doivent trimballer eux-mêmes leurs données médicales pour les présenter aux différents professionnels de la santé.

En parallèle, des chercheurs aimeraient savoir, par exemple, quelles interventions sur un type précis de cancer du cerveau ont conduit au plus faible taux de récidive au cours des dix dernières années. L’objectif est évident : mieux soigner les patients actuels en apprenant du passé.

Mais puisque les données de santé reposent dans des coffres dont les chercheurs n’ont pas les clés, ces recherches dites « rétrospectives » sont très difficiles à mener au Québec. Sur le terrain, on nous dit que c’est encore pire depuis que la loi 25 sur la protection des renseignements personnels a été adoptée l’automne dernier.

Le résultat général, c’est que nous sommes tous plus mal soignés à cause de ces contraintes. Il y a des délais, des portraits incomplets de l’état des patients, des analyses essentielles qui ne se font pas.

Le projet de loi 3 fait actuellement l’objet de consultations à Québec. On y entend plusieurs craintes. La Commission d’accès à l’information et la Fédération des médecins spécialistes du Québec, notamment, s’inquiètent pour le respect de la vie privée et du secret professionnel.

Ces craintes sont légitimes et doivent être prises au sérieux. Nous l’avons dit, les données de santé ne sont pas des statistiques de hockey ou des recettes de Ricardo à partager.

Mais les consultations en cours font déjà poindre un danger : celui que ces préoccupations amènent une dilution du projet de loi 3. Face aux inquiétudes, il peut être tentant pour le gouvernement de réduire la portée des changements et de se rapprocher du bon vieux statu quo.

Ce serait une grave erreur. Parce que la prudence ne doit pas être seulement du côté de la protection des renseignements personnels. Viser l’efficacité du réseau, améliorer les traitements, permettre le plein potentiel de la recherche médicale, c’est aussi opter pour la prudence.

Quand on sait qu’il a fallu deux ans à la commissaire à la santé pour obtenir les données nécessaires à son premier mandat, qui est d’évaluer la performance du réseau, on voit bien qu’il y a un problème.

Les enjeux de confidentialité ne doivent donc pas être vus comme des freins à la circulation des données, mais comme des conditions essentielles à respecter pour que cette circulation soit enfin améliorée.

Il y a des façons d’y parvenir. On peut prévoir par exemple divers niveaux d’accès aux données, avec, au centre, le patient qui décide quelles informations seront partagées avec qui.

Quant à la recherche, il existe des protocoles éprouvés qui permettent d’anonymiser les données et de protéger la confidentialité. Les chercheurs réclament depuis longtemps un accès plus facile aux données de la Régie de l’assurance maladie du Québec, en particulier.

Le projet de loi 3 est crucial pour notre système de santé. La confidentialité des données doit être une priorité du gouvernement, mais elle ne doit pas l’empêcher de mener jusqu’au bout la nécessaire révolution qui vient d’être lancée.

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