Vous pouvez vous pincer pour vous assurer que vous ne rêvez pas : le gouvernement Trudeau a enfin confirmé qu’il allait renouveler la flotte d’avions de chasse du Canada.

Le contrat est signé. Lockheed Martin nous livrera 88 F-35 au cours des prochaines années.

La ministre de la Défense, Anita Anand, a dit que les nouveaux avions allaient permettre au Canada de « respecter ses obligations » au pays et à l’étranger. C’est vrai... mais pas complètement.

Car Ottawa a grossièrement négligé la défense canadienne pendant de trop longues années. Et le rattrapage n’est pas terminé.

Un exemple très concret de l’impact de notre sous-investissement : les inquiétudes quant à la menace que représente la Russie pour l’Arctique.

Le chef du bureau de La Presse à Ottawa, Joël-Denis Bellavance, révélait mercredi que les premiers ministres des trois territoires canadiens avaient écrit à Justin Trudeau à ce sujet l’an dernier.

Lisez le texte de Joël-Denis Bellavance

On ne se soucierait certainement pas autant de l’état de notre armée si les plaques tectoniques géopolitiques n’avaient pas bougé, c’est sûr.

Mais le monde a changé en l’espace de quelques années. Alors que la Russie est en guerre contre l’Ukraine, la Chine gonfle ses muscles. Les risques de nouveaux dérapages ont augmenté.

De quoi réveiller les démocraties occidentales les plus insouciantes. Dont la nôtre.

Évidemment, tout le monde comprend que le Canada ne peut pas faire grand-chose, militairement, tout seul.

Sa sécurité repose sur ses alliances.

Mais dans ce contexte, prouver à nos alliés notre sérieux sur le plan militaire est fondamental. D’ailleurs, ils le réclament depuis des années.

On ne fera pas ici l’inventaire de tous les besoins de l’armée canadienne pour ce qui est de l’équipement ou du personnel. L’espace alloué à cet éditorial ne suffirait pas tant une liste exhaustive serait longue. Mais il est utile, dans les circonstances, de braquer nos projecteurs sur la défense de l’Arctique. Il y fait plus froid qu’ailleurs au pays, mais c’est l’un des sujets les plus chauds pour Ottawa.

L’importance stratégique de la région est en augmentation, tout particulièrement en raison des changements climatiques – la fonte des glaces rend l’Arctique plus accessible. Et l’enjeu touche à la fois la sécurité et la souveraineté du Canada.

Un rapport du Vérificateur général publié à la fin de 2022 l’a démontré. Et ce document, disons-le, se lit comme le bulletin d’un cancre.

Parmi les constats, soulignons :

  • Les mesures prises par les organisations fédérales n’ont pas permis de remédier aux lacunes de longue date dans la surveillance des eaux arctiques.
  • Les brise-glaces atteignent la fin de leur durée de vie utile.
  • Les aéronefs de patrouille atteignent la fin de leur durée de vie utile.

On insiste aussi sur « les faiblesses en matière de capacités de surveillance par satellite » et les « retards dans l’approvisionnement des navires de patrouille extracôtiers et de l’Arctique ».

Joyeux portrait ! On imagine les conseillers de Vladimir Poutine frissonner de plaisir en en prenant connaissance.

Lisez le rapport du Vérificateur général

Notre chance, c’est de bénéficier du soutien de notre voisin américain.

Précisons ici que la défense de l’Arctique se fait notamment par l’entremise du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD), une organisation américano-canadienne dont le centre des opérations est au Colorado.

Mais les Américains, depuis des années, tentent par tous les moyens de nous faire comprendre qu’on n’assume pas nos responsabilités.

Ils ne sont plus les seuls à le déplorer.

L’automne dernier, le nouvel ambassadeur de France à Ottawa, Michel Miraillet, a affirmé dans une entrevue au National Post que, désormais, le NORAD « ressemble à une vieille Volvo 240 ». Il y déplorait le fait que le Canada néglige sa défense et se fie maintenant beaucoup trop aux États-Unis.

À Ottawa, on a déjà promis qu’on ferait plus qu’acheter des F-35. L’été dernier, la ministre Anita Anand a annoncé une injection de 38,6 milliards en 20 ans pour moderniser le NORAD, y compris la mise à niveau des radars qui forment le Système d’alerte du Nord.

Le rapport du Vérificateur général a aussi, très certainement, fouetté les sangs des élus et fonctionnaires fédéraux.

Mais est-ce que ce sera suffisant pour les pousser à redresser la barre rapidement ?

Par exemple : à renouveler la flotte d’aéronefs de patrouille (qu’on pourrait eux aussi comparer à de vieilles Volvo) et à s’occuper du sort de nos brise-glaces avec plus d’empressement qu’on a pu le faire pour nos CF-18 ?

Comme il est de notoriété publique qu’Ottawa peine à remplir ses promesses en ce qui concerne l’achat d’équipement militaire, vous nous permettrez de faire preuve d’un sain scepticisme. Et d’une insistance tout sauf déplacée pour exhorter encore une fois le Canada à renforcer ses capacités militaires avec une plus grande diligence.

Parce que dans le monde d’aujourd’hui, compter sur de vieilles Volvo pour dissuader ses ennemis et se défendre est une bien mauvaise stratégie.

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En savoir plus
  • 2026
    Cette année-là, nos militaires verront la couleur des quatre premiers F-35.
    Source : Ministère de la Défense
    2032
    D’ici la fin de 2032, les CF-18 devraient pouvoir prendre une retraite plus que méritée.
    Source : ministère de la Défense