(Ottawa) Cela fait maintenant plus de 10 ans qu’on en parle, mais cette fois, le projet semble réellement décoller : le gouvernement canadien s’offre 88 avions furtifs F-35. Coût de départ : 19 milliards. Première livraison : quatre appareils en 2026.

Le gouvernement Trudeau a prévu 19 milliards pour acquérir ces appareils de chasse, dont la valeur unitaire est évaluée à près de 114 millions, afin de remplacer la vieille flotte des CF-18. Mais au total, en calculant un cycle de vie de 30 ans pour ces appareils, la facture devrait grimper à quelque 70 milliards.

Ce montant comprend l’équipement et le matériel connexes, les services d’entretien et la mise en place d’un programme de formation. Les livraisons devraient commencer en 2026, et la flotte devrait atteindre sa pleine capacité opérationnelle entre 2032 et 2034, selon le gouvernement canadien.

L’acquisition de ces chasseurs, pour lequel plusieurs alliés du Canada ont aussi opté, revêt une signification encore plus particulière dans le contexte des bouleversements géopolitiques actuels, a indiqué la ministre de la Défense nationale, Anita Anand, en conférence de presse, lundi.

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Anita Anand, ministre de la Défense nationale

« C’est le bon avion qui arrive au bon moment, au meilleur prix pour les Canadiens », a-t-elle dit en vantant le caractère « moderne, fiable et agile » des avions qui permettront au Canada de « respecter ses obligations » au pays comme à l’international, à titre de membre de l’OTAN et du NORAD.

Les bases militaires de Bagotville, au Québec, et de Cold Lake, en Alberta, seront adaptées en conséquence. Cette entente a le potentiel d’assurer près de 3300 emplois par année pour l’industrie canadienne sur 25 ans, directement et indirectement, selon le gouvernement.

Des années d’attente

Cette annonce marque la fin d’un processus qui s’était mis en branle sous l’ancien gouvernement de Stephen Harper, et que les libéraux de Justin Trudeau avaient promis de faire passer à la trappe en 2015 avant de changer leur fusil d’épaule.

Les coûts ont grimpé tandis que le projet était dans les limbes. Dans un rapport publié en 2012, le vérificateur général établissait à 25 milliards le prix à payer pour 65 appareils F-35. Et c’est sans compter que depuis, des centaines de millions de dollars ont été dépensés par le fédéral pour maintenir la flotte de CF-18 en vol.

PHOTO FOURNIE PAR LA US AIR FORCE

F-35 de démonstration de l’armée américaine de passage à la base militaire de Bagotville, en 2019

La ministre Anand a cependant assuré que le processus d’acquisition « très complexe » avait été compétitif. Elle a aussi plaidé que les années s’étant écoulées avaient par ailleurs permis aux appareils d’évoluer et de « devenir plus performants ».

Salves de l’opposition

Trop tard, trop cher, trop opaque : les partis de l’opposition ont attaqué en chœur le gouvernement libéral, lundi.

« Justin Trudeau a dit qu’il n’achèterait JAMAIS le F-35. Il a ensuite gaspillé des années et l’argent des contribuables pour acheter des CF-18 australiens rouillés, avant de constater que le plan des conservateurs était le bon depuis le début », a déclaré l’élu conservateur James Bezan.

Au Nouveau Parti démocratique, le député Randall Garrison s’est attardé à la facture de l’opération, avançant que le gouvernement n’était « pas intéressé à obtenir la meilleure valeur possible » et qu’il faisait « porter aux Canadiennes et Canadiens le poids de ses mauvaises décisions ».

Sa collègue bloquiste Christine Normandin a exprimé des préoccupations sur les possibles dépassements de coûts, alors « qu’on sait que c’est assez courant ». Elle a également avancé que les 425 millions de retombées économiques évoquées par le gouvernement n’étaient pas à la hauteur.

L’appareil qu’il fallait

Survolant la joute partisane, le chercheur postdoctorant au Centre for International and Defence Policy de l’Université Queen’s, à Kingston, Thomas Hughes, en arrive à la conclusion qu’Ottawa a misé sur le bon cheval en concluant l’entente avec le gouvernement des États-Unis et Lockheed Martin/Pratt & Whitney.

« Le Canada aurait-il pu obtenir quelque chose d’aussi bonne qualité à un prix moins élevé ? Je dirais non. Il faut faire une différence entre le coût et la valeur. Ici, la valeur permet au Canada d’atteindre ses objectifs en matière de défense », argue-t-il.

La furtivité de ces appareils est une « fantastique plateforme pour contrer des adversaires très avancés sur le plan de la technologie », conclut-il. Actuellement, il y a plus de 890 d’avions F-35 en service dans 26 bases au monde, selon Lockheed Martin.

En savoir plus
  • Mach 1,6 (550 m/s)
    Vitesse maximale des avions furtifs F-35.
    Source : GOUVERNEMENT DU CANADA
    2200 km
    Capacité de voler sans escale des F-35.
    Source : GOUVERNEMENT DU CANADA