« Tous les jours je suis inquiète », a déclaré récemment la directrice générale de Suicide Action Montréal.

Elle a tenu de tels propos au sujet de la possibilité d’une éventuelle rupture de service, dans le cadre d’un reportage de notre journaliste Léa Carrier sur les problèmes auxquels fait face l’organisme qu’elle dirige.

Lisez le reportage de Léa Carrier « Prévention du suicide : le défi de recruter des bénévoles »

Un organisme, faut-il le rappeler, qui sauve des vies sur une base régulière.

Mais accomplir sa mission est devenu de plus en plus difficile. Car Suicide Action Montréal, comme d’autres organismes qui œuvrent dans le domaine de la prévention du suicide, est au cœur d’une tempête parfaite.

Il est durement frappé par la pénurie de travailleurs dans le domaine de la santé. Il n’arrive donc pas à recruter autant d’employés qu’il le souhaite pour faire des interventions auprès des personnes en crise suicidaire et de leurs proches.

Suicide Action Montréal doit donc faire appel à davantage de bénévoles. Mais le problème, c’est que leur nombre n’arrête pas de chuter. Au sein de l’organisme, il y en a au moins 25 % de moins aujourd’hui par rapport à la période d’avant la pandémie.

D’où les inquiétudes, alors que la demande pour les services d’aide, elle, a bondi en raison de la crise sanitaire. La détresse a augmenté, mais pas le nombre d’intervenants.

La situation est sensiblement la même dans le reste du Québec, où l’on compte 29 centres de prévention du suicide qui offrent des interventions au téléphone, mais aussi, dans certains cas, par texto et clavardage.

La présidente du Regroupement des centres de prévention du suicide du Québec, Lynda Poirier, nous a expliqué que les bouleversements liés à la pandémie ont poussé les centres à développer des stratégies pour compenser. Pour que, par exemple, certains puissent prendre le relais si d’autres sont débordés.

Par conséquent, le message qu’on cherche à transmettre n’a pas changé : si vous ou l’un de vos proches avez besoin d’aide, surtout, n’hésitez pas à faire appel aux centres de prévention du suicide.

Le filet de sécurité existe toujours et l’aide est disponible.

Mais en même temps, la fragilité de ces centres doit nous interpeller. Et pousser Québec à réagir.

Dans le meilleur des cas, la conjoncture représente un défi considérable tant pour les administrateurs que pour les employés, qui n’ont plus le temps de souffler entre des interventions qui, on s’en doute, sont parfois éprouvantes.

« Est-ce qu’il faut faire des pieds et des mains pour s’assurer qu’un intervenant réponde ? Oui. Est-ce qu’on a toutes les ressources pour avoir l’esprit en paix ? La réponse, c’est non, explique Lynda Poirier. On y arrive tant bien que mal, mais on a besoin de plus de personnel. »

Au Centre Suicide Action Montréal, on signale même que le taux de réponse a diminué. Ce qui veut dire, en pratique, qu’on n’arrive plus à répondre à 100 % des appels reçus.

Il n’y a pas trente-six solutions pour résoudre les problèmes de ces centres. Ils ont besoin d’un plus grand nombre d’intervenants.

Le gouvernement ne peut pas d’un côté encourager les gens à aller chercher de l’aide et, de l’autre, ne pas veiller à ce que le nombre d’intervenants soit suffisant.

Comme les salaires ont augmenté dans le réseau de la santé en général, les organismes du milieu communautaire comme les centres de prévention du suicide ne font plus le poids.

Leurs intervenants ne sont plus assez bien rémunérés comparativement à des postes équivalents dans le réseau de la santé.

Ils ont donc besoin, eux aussi, de plus de ressources pour bonifier les conditions de travail de leurs employés.

Précisons aussi que la solution à long terme ne se trouve pas du côté des bénévoles. En fait, à travers le Québec, on fait de moins en moins appel à leurs services dans les centres de prévention du suicide en raison de la complexification des cas auxquels les intervenants font face. La norme, c’est maintenant de miser sur des intervenants spécialisés.

Trouver des solutions pour permettre à ces centres de maintenir leur niveau de service est aussi urgent que le travail qu’ils accomplissent est remarquable.

BESOIN D’AIDE ?

Si vous avez besoin de soutien, si vous avez des idées suicidaires ou si vous êtes inquiet pour un de vos proches, appelez le 1 866 APPELLE (1 866 277-3553). Un intervenant en prévention du suicide est disponible pour vous 24 heures sur 24, sept jours sur sept.

Consultez le site de l’Association québécoise de prévention du suicide Consultez le site de Suicide Action Montréal
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    Nombre d’appels auxquels les centres de prévention du suicide du Québec ont répondu pour l’année 2019-2020.
    Source : Regroupement des centres de prévention du suicide du Québec (RCPSQ)