C’est Noël avant l’heure pour les contribuables québécois. Noël à crédit aussi, car le gouvernement offre des cadeaux, même s’il est dans le rouge.

Après les chèques de 400 $ à 600 $ qui pleuvent en ce moment dans les boîtes aux lettres, viendra bientôt une bonification substantielle de l’aide aux aînés. Puis une baisse d’impôt qu’on aurait pourtant avantage à décaler ou à remodeler.

C’est que la mise à jour économique dévoilée jeudi montre clairement que le vent est en train de tourner. L’heure n’est plus à la béatitude fiscale, comme lors de l’arrivée au pouvoir de la Coalition avenir Québec (CAQ) en 2018.

À l’époque, le ministre des Finances Eric Girard avait été le premier à reconnaître qu’il héritait de finances publiques en santé. Ensuite, la performance de l’économie lui avait permis de livrer plus rapidement que prévu ses promesses électorales, comme l’allègement de la taxe scolaire.

Tant mieux ! Les Québécois, imposés comme nulle part ailleurs en Amérique du Nord, n’allaient pas s’en plaindre.

Ensuite, la pandémie a frappé dur. Mais la relance a été beaucoup plus vigoureuse qu’anticipé, en raison de l’inflation qui remplit les coffres de l’État de taxes et d’impôts.

La CAQ se retrouve donc aujourd’hui avec cinq milliards de revenus de plus que prévu, une marge de manœuvre qu’elle utilise entièrement pour aider les contribuables à encaisser l’inflation.

Pour les plus démunis qui peinent à faire l’épicerie, les chèques sont parfaitement justifiés. Mais le gouvernement aurait dû se garder une petite gêne avant d’envoyer des chèques purement électoralistes à des ménages qui ont des revenus substantiels.

De son côté, la bonification du montant de soutien aux aînés qui passe de 411 $ à 2000 $ par année profitera davantage aux moins nantis, ce qui est louable. Par contre, il est trompeur de présenter cet allègement comme une mesure anti-inflation, puisqu’il s’agit d’une aide récurrente qui coûtera 1,6 milliard par année, à terme.

Au moins, le gouvernement en a profité pour retirer le crédit d’impôt pour les activités physiques des aînés, l’exemple parfait d’un crédit trop pointu qui ne fait que compliquer la déclaration de revenus des particuliers.

Bon débarras !

Mais revenons à la mise à jour économique…

Alors que la récession gronde à l’horizon, le ministre Girard est maintenant forcé de réduire considérablement ses prévisions de croissance pour 2023, qui passent de 2 % dans le dernier budget à seulement 0,7 %… et cela reste plus optimiste que les économistes du secteur privé qui tablent sur à peine 0,3 %.

Bref, la CAQ aura bientôt le vent dans le front, elle qui était si optimiste durant la campagne. La CAQ s’était d’ailleurs permis d’utiliser des prévisions de croissance économique à long terme supérieures à celles qui venaient tout juste d’être présentées dans le rapport préélectoral et qui auraient normalement dû lui servir de base.

Ce petit jeu lui a permis de prévoir 3,3 milliards de revenus additionnels, sur quatre ans. Et d’offrir encore plus de cadeaux. Mais ne cherchez pas la trace de cette manne économique dans la mise à jour. Elle a disparu ! Le ministre des Finances a enlevé ses lunettes électorales.

Or, si les revenus n’y sont pas, comment financera-t-on les baisses d’impôt promises en campagne ?

Rappelons que la CAQ souhaite réduire d’un point de pourcentage le taux des deux premiers paliers d’imposition, dès 2023. Un cadeau de 7,4 milliards, sur quatre ans.

L’idée n’est pas d’encourager la CAQ à renier sa promesse. Mais comme le contexte a changé, le gouvernement devrait jouer de prudence en décalant l’entrée en vigueur ou en appliquant la réduction de manière plus progressive.

Il devrait également en profiter pour redéfinir son allègement fiscal, en ciblant davantage les travailleurs qui gagnent entre 20 000 et 80 000 $, la fourchette de revenu où les Québécois sont beaucoup plus imposés que leurs voisins ontariens, comme le souligne la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques (1).

Une autre étude récente démontre aussi que c’est en abaissant l’impôt sur les revenus entre 30 000 $ et 55 000 $ qu’on obtiendrait le résultat le plus optimal (2).

Chose certaine, le gouvernement a des devoirs à faire avant d’accorder des baisses d’impôt généralisées. Le Québec demeure la troisième province la plus endettée au pays. Le gouvernement est encore dans le rouge et les services craquent de partout. Avant de jouer au père Noël, il serait sage de présenter un plan de retour à l’équilibre budgétaire, sérieux et contraignant.

1. Consultez une étude de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques 2. Consultez une étude du Groupe de recherche en économie publique appliquée Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion