Le gouvernement caquiste a annoncé cette semaine, à l’occasion de la COP15, un plan de 650 millions de dollars visant à freiner le déclin de la biodiversité au Québec. Même si on n’en connaît pas encore les détails, saluons le geste.

Il faut dire que Québec n’avait pas vraiment le choix. Des paires d’yeux des quatre coins du monde sont rivées sur notre province puisque la 15e Conférence des Nations unies sur la biodiversité se déroule à Montréal.

Et si on ne veut pas avoir l’air d’un cancre, on n’a qu’une seule option : agir. Ou à tout le moins montrer qu’on a l’intention de bouger.

Mais le gouvernement n’a pas non plus eu l’air d’un premier de classe. Parce qu’il a commis un péché d’omission : il a passé sous silence le sort du caribou.

Aucune nouvelle mesure pour protéger les caribous forestiers (espèce vulnérable) et montagnards (espèce menacée) n’a été dévoilée. Et ne perdez pas votre temps à espérer qu’on en annoncera d’ici la fin de la COP15.

Ça n’arrivera pas.

Le ministre de l’Environnement Benoit Charette l’a confirmé à notre journaliste Jean-Thomas Léveillé. « On doit prendre le temps de bien faire les choses », a-t-il prétexté.

Lisez l’entrevue

Bien faire les choses ?

C’est comme si Québec, dans son plan pour lutter contre les changements climatiques, n’avait rien proposé pour réduire les gaz à effet de serre du secteur des transports.

C’est comme si le gouvernement canadien avait dévoilé sa stratégie pour l’Asie sans aborder le sujet de la Chine.

C’est comme si Washington et ses alliés annonçaient une entente avec l’Iran ou la Corée du Nord qui n’abordait pas la question du nucléaire.

En matière de préservation de la biodiversité au Québec, le caribou demeure l’éléphant dans la pièce. Un enjeu incontournable, mais tellement délicat que personne n’ose le régler.

Bien faire les choses ?

Comme l’illustre l’écologiste Henri Jacob, dans un petit essai récent, le caribou est « le symbole d’une forêt en santé ». Et c’est aussi un « indicateur fiable » pour révéler comment les pratiques de l’industrie « sont vouées à l’appauvrissement des vieilles forêts et à la disparition d’une grande partie de la biodiversité »1.

Bref, tôuttt est dans tôuttt. Aussi vrai que l’arbre est dans ses feuilles, comme le chante si bien Zachary Richard, la forêt est dans ses caribous.

Et le temps presse. C’est pourquoi la procrastination caquiste est si décevante.

Même la Commission indépendante sur les caribous forestiers et montagnards – mise sur pied par Québec dans l’espoir apparent qu’elle épouserait davantage les vues de l’industrie forestière que celles des biologistes – a sonné l’alarme dans le rapport final qu’elle a publié en août dernier.

« Le temps a déjà hypothéqué lourdement la situation [et] nous risquons de franchir un point de non-retour », avait-elle conclu.

Bien faire les choses ?

Remettre ce qu’on doit faire aujourd’hui est d’autant plus déplorable que les solutions sont connues depuis longtemps. Essentiellement, il va falloir davantage d’aires protégées. Il n’y a pas trente-six solutions.

C’est justement pour cette raison que la décision est si difficile à prendre.

Qui dit plus d’aires protégées dit de moins grands pans de territoire (et de forêts matures) à exploiter pour l’industrie forestière.

Mis sous pression sur la question du caribou par Ottawa, le gouvernement caquiste a promis, à la fin du mois d’août dernier, qu’il allait « prendre des mesures additionnelles » d’ici juin 2023.

Puisse-t-on espérer que le ministre Charette aura d’ici là une révélation, comme Paul sur le chemin de Damas. Et que les initiatives qu’il annoncera pour empêcher l’effacement du caribou ne seront pas des demi-mesures.

N’empêche qu’il vient de rater une belle occasion d’envoyer un signal clair pour la préservation de la biodiversité au Québec à un moment clé. Pour sauver le caribou et marquer le coup, il aurait dû agir de façon immédiate et décisive.

1 : Henri Jacob, Chronique d’un écocide : L’effacement des caribous de Val-d’Or, publié aux éditions L’Esprit libre

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion