Le gouvernement Legault annoncera ce lundi qu’il met à jour la liste des espèces menacées ou vulnérables du Québec, après une décennie de paralysie et à la veille du début de la Conférence des Nations unies sur la biodiversité.

Vingt-sept nouvelles espèces animales s’ajouteront à la liste, tandis que le statut de la rainette faux-grillon de l’Ouest passera d’« espèce vulnérable » à « espèce menacée ».

Parmi les ajouts, 16 espèces seront désignées comme menacées — ce qui signifie que leur disparition est redoutée —, notamment le bourdon à tache rousse, la chauve-souris nordique, la raie tachetée, la couleuvre brune et le martinet ramoneur.

Les 11 autres seront dites vulnérables — c’est-à-dire que leur état est jugé précaire, mais que leur disparition n’est pas redoutée à court ou à moyen terme —, notamment le rorqual commun, l’omble chevalier oquassa et le goglu des prés.

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Benoit Charette, ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs

« C’est une avancée considérable », s’est félicité le ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, Benoit Charrette, lors d’un entretien avec La Presse, soulignant qu’il n’y avait pas eu d’ajouts sur la liste depuis 2009.

Ça fait longtemps que cette mise à jour aurait pu être faite [et] la COP15 est un très beau moment pour confirmer et réaffirmer l’importance qu’on accorde à la protection du patrimoine naturel.

Benoit Charette

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Le bourdon à tache rousse sera désigné comme menacé.

Comité sur les espèces fauniques menacées

Le ministre Benoit Charette s’engage également à pourvoir « dans un avenir rapproché » les postes vacants au sein du comité chargé de le conseiller sur le sujet et à le convoquer « pour qu’il puisse nous [communiquer] une nouvelle liste [au] besoin et s’assurer qu’on puisse rester à jour ».

Le comité sur les espèces fauniques menacées n’a pas été réuni depuis 2017, rapportait La Presse en octobre.

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« Il n’y avait pas de pertinence [à le réunir] tant qu’on n’avait pas mis en place les recommandations de sa dernière analyse, plaide le ministre. On met en place la liste qu’il nous avait proposée à l’époque. Il fallait faire ça avant de le convoquer à nouveau. »

Ce déblocage démontre la pertinence d’avoir rapatrié au sein du ministère de l’Environnement la responsabilité de la Faune et des Parcs, qui relevaient du ministère des Forêts, avant les élections, estime M. Charette. « Ça aide à assurer une plus grande cohérence », dit-il.

Québec profite de l’occasion pour identifier 25 habitats d’espèces menacées, ce qui permettra dans un deuxième temps de faciliter l’adoption de mesures de protection.

Les modifications proposées doivent faire l’objet d’une consultation de 45 jours, qui s’amorcera le 21 décembre, avant d’être officiellement adoptées.

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Dans les espèces nouvellement désignées comme menacées, on retrouve la chauve-souris nordique.

Espèces floristiques

L’ajout de 11 espèces floristiques à la liste des espèces menacées et vulnérables, qui avait été annoncé en juin, a par ailleurs été adopté mercredi par le Conseil des ministres, les premiers ajouts en 10 ans.

« C’est un rattrapage important », reconnaît le ministre Benoit Charette, soulignant que la mise à jour de la liste touche « différents environnements du Québec ».

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Le statut de la rainette faux-grillon de l’Ouest passera d’« espèce vulnérable » à « espèce menacée ».

Du nombre, huit espèces ont été déclarées menacées, dont la drave des monts de Puvirnituq et le géranium de Caroline, tandis que les trois autres ont été classées vulnérables, notamment la population du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie de la vergerette à feuilles segmentées.

Québec a en outre modifié le statut de trois espèces, qui sont passées de « menacées » à « vulnérables », comme l’aster d’Anticosti. Trois autres espèces ont été retirées de la liste.

Modernisation nécessaire

Ces ajouts sont « une bonne nouvelle », mais ils ne permettront pas une meilleure protection des espèces animales en danger si la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables n’est pas modernisée, estime le directeur général de la section québécoise de la Société pour la nature et les parcs, Alain Branchaud.

« Ça ne procure absolument aucune protection, le fait d’être inscrit », explique-t-il.

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L’aster d’Anticosti passera de « menacée » à « vulnérable ».

La situation diffère pour les espèces floristiques, qui bénéficient d’une protection lorsqu’elles sont inscrites sur la liste — il s’agit de deux règlements distincts.

Si Québec ne modernise pas sa législation, « les interventions du fédéral vont se poursuivre et être légitimes », prévient M. Branchaud, évoquant les décrets adoptés par Ottawa pour protéger la rainette faux-grillon de l’Ouest et celui qui pourrait l’être pour le caribou forestier.

Le caribou attendra

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Caribous de Pipmuacan

Québec ne profitera pas de la COP15 pour annoncer de nouvelles mesures de protection de l’emblématique caribou, dont le déclin se poursuit inexorablement malgré sa désignation comme espèce vulnérable, en 2005.

« On doit prendre le temps de bien faire les choses », plaide le ministre Benoit Charette, qui garde le cap sur l’échéancier de juin 2023 pour annoncer la nouvelle stratégie de rétablissement de l’espèce.

La Commission indépendante sur les caribous forestiers et montagnards, mise sur pied par son propre gouvernement, recommandait pourtant dans son rapport déposé en août de ne pas attendre la mise en œuvre de cette stratégie pour « implanter les mesures administratives de protection déjà connues », suggérant notamment la protection des grands massifs de forêts matures qui constituent l’habitat du caribou.

Lisez « “Il y a urgence d’agir”, dit le rapport de la Commission indépendante »

Les Premières Nations innues de Pessamit et d’Essipit ont aussi appelé Québec à profiter de la COP15 pour adopter des mesures de protection immédiates du caribou, notamment en confirmant le projet d’aire protégée dans le secteur du réservoir Pipmuacan, à cheval sur le Saguenay–Lac-Saint-Jean et la Côte-Nord, où vit la harde de caribous du même nom.

Lisez « Québec pressé de protéger le caribou »

« On sait qu’on doit en faire davantage, [et] c’est la raison pour laquelle on a convenu d’un calendrier [avec le gouvernement fédéral] », soutient le ministre, qui dit que ce délai est nécessaire.

Certains acteurs de l’industrie forestière se sont fortement opposés à toute mesure de protection qui viendrait réduire le volume de bois mis à leur disposition par l’État.

Il faut que les milieux soient mobilisés, on ne peut pas aller à l’encontre de tout le monde.

Benoit Charette, ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs

Aires protégées

Québec prendra toutefois « différents engagements » pour protéger la nature, durant la COP15, assure Benoit Charette.

Il réitère notamment que Québec protégera 30 % de son territoire d’ici 2030, « qu’il y ait entente ou pas » à ce sujet entre les États lors de la conférence.

« De nouvelles aires protégées seront confirmées dans les sept prochaines années, avec une préoccupation particulière pour le Sud », promet-il.

D’autres formes de protection que les aires protégées seront aussi utilisées pour atteindre cette cible de 30 %, indique le ministre, qui donne l’exemple du concept de paysages humanisés, comme celui projeté à L’Île-Bizard, à Montréal.

Lisez « L’entente pour protéger la biodiversité de L’Île-Bizard approuvée »

Il serait également possible d’augmenter la distance réglementaire de part et d’autre d’un cours d’eau à l’intérieur de laquelle les coupes forestières sont interdites, illustre-t-il.

« Là, on a un potentiel intéressant, dit le ministre. Ça permet de protéger l’environnement immédiat des rivières. »

En savoir plus
  • 57
    Nombre d’espèces qui figureront sur la liste des espèces fauniques menacées ou vulnérables lorsque les ajouts annoncés entreront en vigueur
    86
    Nombre d’espèces figurant sur la liste des espèces floristiques menacées ou vulnérables du Québec
    Source : ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs
  • 5252
    Estimation de la population de caribous forestiers au Québec
    Source : Comission indépendante sur les caribous forestiers et montagnards