Le développement du secteur Bridge-Bonaventure et de Pointe-du-Moulin sera-t-il le tournant des relations entre la Ville de Montréal et les promoteurs immobiliers ? Certains signes nous le font espérer.

On le sait, ce secteur de 2,3 km2 qui fait l’objet de réflexions depuis plusieurs années est complexe : bordé par le fleuve, entre le Vieux-Montréal et Pointe-Saint-Charles, on y retrouve la Cité du Havre, les bassins Peel et Wellington, le silo à grain no 5, des terrains à vocation industrielle…

Le projet d’une équipe de baseball en garde partagée entre Montréal et Tampa étant enterré, on ne prévoit plus de stade près du bassin Peel, mais le secteur demeure une courtepointe qui comporte plusieurs défis urbanistiques.

Et en toile de fond, il y a la crise du logement et la crise climatique qui forcent à penser autrement.

La Ville a proposé une première vision de ce futur quartier avec 3800 unités d’habitation, une densification insuffisante à notre avis.

Lisez « Densifier Bridge-Bonaventure »

On y planifie de l’habitation, mais aussi un pôle-emploi, des espaces verts, des espaces récréo-touristiques, des services, ainsi qu’une station du REM (la Ville en fait une condition).

Les promoteurs immobiliers, eux, voyaient plus grand avec des projections de 12 000 à 15 000 unités d’habitation.

Après avoir reproché vertement à l’administration Plante son manque d’écoute, ils sont retournés à leur table à dessin. Avec des urbanistes et des architectes, ils ont poussé leur réflexion plus loin. Résultat : Vision Bridge-Bonaventure, une proposition dévoilée mardi dernier.

Il faut le dire, cette démarche est une première. Jamais les promoteurs n’avaient travaillé ensemble de cette façon. De l’avis de Serge Goulet du Groupe Devimco, l’expérience n’a pas toujours été facile, mais il en ressort converti : « À l’avenir, on devrait toujours travailler ainsi », affirme-t-il.

Jusqu’ici, l’approche de certains promoteurs avait toujours été la même : un projet immobilier réussi est un projet payant, point à la ligne. Leur conception est en train de changer. Ils se rendent à l’évidence : un développement immobilier ne peut se faire sans accessibilité sociale et sans considération pour l’environnement et la mobilité.

Dans la vision présentée mardi, le nombre d’unités d’habitation a diminué : il tourne autour de 7500, dont 20 % de logements sociaux et abordables, avec un coefficient d’occupation au sol (COS) moyen de 4,2. Cette mesure indique la densité maximale d’un édifice. Plus l’indice est élevé, plus l’immeuble sera haut. À titre de comparaison, le COS est de 12 au centre-ville, 10,5 à Griffintown et il sera de 6 dans le quartier qui sera érigé autour de l’ancienne Maison de Radio-Canada.

Le travail du groupe, qui semble être en mode écoute, ne s’arrêtera pas là. Il va tenir des consultations auprès des organismes communautaires et économiques du secteur, une autre première. Trois experts réunis par l’Institut du développement urbain proposeront également leurs recommandations.

Les promoteurs souhaitent être fin prêts lorsque la Ville déposera son Plan directeur de mise en valeur auprès de l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM), probablement en septembre prochain.

On ne peut que se réjouir de cette nouvelle attitude de la part des promoteurs. Ils semblent avoir compris que l’affrontement avec la Ville n’est pas la solution. Et on ne peut que saluer l’écoute de l’administration Plante qui a d’ailleurs invité certains promoteurs à siéger à son nouveau comité-conseil sur le logement. Tout ce beau monde n’a pas le choix, il doit s’entendre.

Maintenant, un des défis sera de mieux expliquer le concept de densification à la population. Pour l’instant, il est plutôt mal compris.

À entendre certaines déclarations controversées du ministre des Transports François Bonnardel, ou les interventions des citoyens auprès de l’OCPM, on voit bien que la densification fait peur, qu’elle est automatiquement associée à une mer de tours de condos sans âme. La consultation des promoteurs, tout comme celle de l’OCPM à l’automne, permettra de mieux expliquer à quoi pourrait ressembler une densification intelligente ou « heureuse », pour reprendre les mots de l’architecte Pierre Thibault.

Lisez notre dossier sur la densification heureuse

Dans ce contexte, la démarche du groupe derrière Vision Bridge-Bonaventure est un pas dans la bonne direction.

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