Un nouveau quartier émergera bientôt à Montréal, entre le Vieux-Montréal et Pointe-Saint-Charles.

Il s’appelle Bridge-Bonaventure. C’est là qu’on retrouve l’iconique minoterie Farine Five Roses et les studios Mel’s. Là, aussi, qu’on voulait construire un stade de baseball qui ne se fera manifestement pas.

La Ville veut maintenant y aménager des parcs et une promenade le long du fleuve. On discute d’y faire arrêter le REM, qui traversera le secteur. Et on veut bien sûr y ériger des habitations.

Combien ? La question a fait l’objet d’un crêpage de chignon cette semaine entre les promoteurs immobiliers et la Ville.

La Ville a déjà annoncé son intention d’y autoriser 3800 logements. Les promoteurs prétendent quant à eux pouvoir en caser… de 12 000 à 15 000. L’écart est si énorme qu’il suscite des questions. Et, en pleine crise du logement, il faut des réponses.

La Ville a raison de dire que son rôle est de travailler pour les citoyens et non pour les promoteurs immobiliers. C’est à elle d’articuler une vision pour ce secteur, pas aux constructeurs de condos.

Cela dit, on ne peut ignorer les chiffres avancés par les promoteurs, même si leur sortie de cette semaine manquait clairement de diplomatie.

Le pays entier, on le sait, manque de logements. C’est particulièrement criant à Montréal, où les prix explosent.

À cette crise du logement s’ajoute une crise écologique. On doit revoir nos modes de vie et freiner l’étalement urbain. Il faut bâtir des logements dans des quartiers qui permettent d’aller au travail et faire ses courses sans voiture.

C’est une densification intelligente de la ville qu’on doit viser. Ce n’est pas simple. Dans les quartiers centraux existants, l’ajout de logements supplémentaires entraîne souvent une montée de bouclier chez les résidants. Pas dans ma cour !

Lorsque la rare occasion de développer un quartier à partir d’une page presque blanche se présente, on n’a donc pas le choix de réfléchir à la densification. C’est encore plus vrai quand on se trouve en plein centre-ville, comme c’est le cas de Bridge-Bonaventure.

Les promoteurs pourraient-ils réellement construire 12 000 logements sur ce site complexe qui compte des industries, des voies ferrées, un Costco et des activités portuaires ? C’est à eux de le démontrer.

Mais ce qui est clair, c’est que la demande de logements est très forte. En refusant les unités proposées, la Ville viendrait s’immiscer entre l’offre et la demande. Elle peut évidemment le faire pour plusieurs raisons légitimes : s’assurer que la mobilité reste fluide, préserver la trame urbaine et la qualité de vie des citoyens, faire en sorte que la ville se construise de façon cohérente.

Sauf que chaque fois qu’on intervient ainsi pour freiner l’offre, il faut être conscient qu’on déséquilibre le marché. Un marché déjà fortement déséquilibré, dans lequel les aspirants propriétaires se battent à coups de contre-offres et les locataires peinent à se loger à prix raisonnable.

Ça ne veut évidemment pas dire qu’on doit céder à toutes les demandes des promoteurs. Contrairement à Griffintown, où on a laissé ces derniers faire ce qu’ils voulaient avant de réfléchir à l’urbanisme, l’administration de Valérie Plante procède avec ordre dans Bridge-Bonaventure.

Mais on peut quand même poser des questions. La Ville nous a expliqué vouloir limiter la hauteur des bâtiments à huit étages partout dans Bridge-Bonaventure. Oui, les consultations publiques ont montré le désir de préserver les vues sur la ville et les bâtiments patrimoniaux. Mais une telle norme doit-elle vraiment être appliquée mur-à-mur, sur l’ensemble du secteur ?

Le plan prévoit aussi réserver 45 hectares (c’est la moitié de la superficie du parc Maisonneuve) pour de nouveaux bâtiments industriels et commerciaux afin de tripler le nombre de travailleurs du secteur. Certains de ces espaces pourraient-ils être réservés à du résidentiel ? Peut-on penser à moins de travailleurs et plus de résidants ?

Dans sa vision pour Bridge-Bonaventure, on sent les préoccupations de la Ville pour protéger le patrimoine industriel et pour bâtir un quartier « à échelle humaine ». C’est à saluer. Mais des quartiers à la fois denses et agréables, ça existe. La Ville doit pousser l’exercice de densification intelligente jusqu’au bout. Pas pour faire plaisir aux promoteurs. Pour l’intérêt des citoyens.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion