Pas dans ma cour ! Même si ce réflexe est humain, la densification intelligente des villes reste la meilleure façon de faire d’une pierre deux coups en s’attaquant à deux crises plutôt qu’une : celle du logement et celle de l’environnement.

Deux crises dont la Coalition avenir Québec (CAQ) peine à reconnaître l’ampleur, à en juger par les déclarations malheureuses de ses ministres.

En mars, Éric Caire a dû s’excuser d’avoir accusé le maire de Québec de « polluer la vie des automobilistes ». Mais cette semaine, François Bonnardel ne regrette pas un instant d’avoir qualifié de simple « mode » la densification urbaine, malgré la réprobation des maires de plusieurs villes.

N’en déplaise à la CAQ, la densification n’est pas du tout une tendance passagère. Le problème est structurel. Les jeunes ont du mal à acheter une maison tellement les prix ont grimpé depuis le début de la pandémie. Ils roulent de plus en plus loin pour trouver un nid qui correspond à leur rêve et à leur budget, propulsant ainsi l’étalement urbain.

On le voit, les maisons poussent comme des champignons dans les zones rurales où les mises en chantier ont explosé de 56 % l’an dernier, contre 21 % dans les centres urbains.

Ce mouvement fait en sorte que le Québec s’artificialise à la vitesse grand V. En 13 ans, c’est l’équivalent de l’île de Laval qui est passée sous les bulldozers, s’inquiète le Comité consultatif sur les changements climatiques, dans un avis sur l’aménagement du territoire présenté au gouvernement lundi1.

L’effet est doublement néfaste.

Non seulement l’étalement urbain détruit des terres agricoles et naturelles qui absorbent le carbone, mais il augmente le recours à l’automobile puisque les travailleurs s’éloignent du boulot et que la voiture en solo devient leur mode de transport privilégié.

Alors bonjour la congestion routière ! Tout le temps perdu derrière le volant coûte 4,2 milliards par année, selon la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM). Et en construisant de nouvelles routes, on ne fait que creuser notre tombe, car toutes les études démontrent que cela engendre davantage de circulation. Après 5 à 10 ans, ça bloque encore autant.

Pas le choix, il faut faire marche arrière. Au lieu d’étendre le périmètre urbain, favorisons les espaces vacants dans les quartiers centraux qui bénéficient déjà de tous les services, des services qui coûtent beaucoup moins cher à fournir en ville (1416 $ par ménage) qu’en périphérie (3462 $) en raison de la densité.

Le hic, c’est que les municipalités sont accros aux taxes foncières qui composent 70 % de leur assiette fiscale. Pour hausser leurs revenus, elles créent de nouveaux quartiers… ce qui nécessite un réseau de distribution d’eau, de l’électricité, des égouts, etc. Alors, pour payer ces dépenses, elles ouvrent d’autres quartiers, et ça devient presque un Ponzi.

Pour casser cette spirale, la CMM a mis en place un programme de compensation qui donne une redevance aux municipalités rurales qui laissent tomber l’étalement urbain.

Il s’agit d’une initiative inspirante. Mais quand une région impose des limites à l’étalement, ses voisines peuvent continuer d’être laxistes, ce qui ne fait que repousser la construction dans des patelins encore plus éloignés.

Pour éviter cette concurrence malsaine, il faut davantage de concertation à l’échelle provinciale.

On espère que la Politique nationale d’architecture et d’aménagement du territoire, qui doit être déposée par Québec ce printemps, amènera des solutions concrètes, même si le temps commence à manquer avant les élections pour mettre en branle une réforme en profondeur.

Il faut inverser la tendance actuelle. La lutte contre le réchauffement climatique passe par la densification des villes, car le transport routier et le secteur des bâtiments sont responsables de presque la moitié (44 %) des émissions de GES au Québec.

Il faut miser sur une densification douce et intelligente qui verrait naître des milieux de vie agréables pour les familles avec des parcs, des écoles et des services à quelques minutes de marche.

Bien sûr, c’est plus compliqué que de construire au beau milieu d’un champ, sans contraintes municipales et sans levée de boucliers de la part des résidants de longue date.

Mais si on croit à l’environnement, il faut changer nos mentalités et cultiver le réflexe du : oui, dans ma cour !

1. Lisez « L’aménagement du territoire du Québec : fondamental pour la lutte contre les changements climatiques » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion