On pourrait croire que le récent bras de fer entre la Coalition avenir Québec (CAQ) et le maire de Québec à propos du tramway a été complètement inutile. Après tout, la CAQ, qui a voulu montrer ses muscles en exigeant tout à coup de nouvelles conditions, a fini par reculer.

Mais pour le nouveau maire de Québec, ce petit jeu politique était risqué.

Tous les anciens grands mandarins qu’il avait consultés lui avaient dit : « N’allez pas en confrontation avec le gouvernement. Ça ne se fait pas. Ils vont vous faire manger votre pain noir sur tout le reste », a raconté Bruno Marchand, lors d’une table éditoriale avec La Presse.

Profondément convaincu, il a tenu son bout en s’inspirant des paroles de sa mère : « T’es mieux de mourir libre que de vivre esclave. »

En bout de piste, son cran a permis d’éveiller la solidarité des villes de tout le Québec, qui ont dénoncé l’ingérence du gouvernement provincial.

Il faut se réjouir de voir un tel front commun se former du côté municipal, alors que personne ne semble pouvoir faire contrepoids à la CAQ, toute-puissante à l’Assemblée nationale.

D’ailleurs, les résultats de l’élection partielle dans Marie-Victorin, lundi, ont confirmé à quel point l’opposition était atomisée, alors que les grands partis traditionnels que sont le Parti québécois et le Parti libéral se cherchent un nouvel ADN. Tout un défi à six mois des élections.

La CAQ pourrait donc ressortir encore plus forte du prochain scrutin. Et l’opposition, plus éclatée que jamais.

Pourtant, une saine opposition est essentielle en démocratie. Pas pour jouer aux gérants d’estrade. Mais pour questionner le parti au pouvoir, pour confronter ses idées et pour faire avancer le débat de manière constructive.

Ce rôle, les maires peuvent l’assumer.

« Il faut qu’on soit plus porteurs du message », reconnaît Bruno Marchand. À son avis, les maires, qui dirigent des gouvernements de proximité, doivent prendre le micro pour faire valoir les besoins des citoyens et pour orienter les décisions de Québec.

Après tout, on n’est plus dans la logique des années 1950, quand les municipalités n’étaient que des créatures de Québec, tout juste bonnes à déneiger et à ramasser les ordures ! Depuis la réforme de Claude Ryan, au début des années 1980, les villes ont gagné une indépendance financière qui leur donne un levier.

Et la nouvelle vague de maires plus progressistes, fraîchement élus, comme Catherine Fournier à Longueuil ou Évelyne Beaudin à Sherbrooke, a toute la légitimité qu’il faut pour exercer un rapport de force avec la CAQ sur des enjeux où l’on voudrait voir davantage de leadership de la part du gouvernement.

Pensez à la crise de l’habitation que Québec semble toujours minimiser même si l’enjeu frappe des familles à travers toute la province. La ministre Andrée Laforest vient d’ailleurs de décharger le problème des rénovictions dans la cour des villes.

Prenez aussi l’enjeu crucial de l’environnement. Alors que la planète brûle, la CAQ présente aujourd’hui une nouvelle version de son projet de troisième lien qui encouragera l’étalement urbain.

Sans se prononcer trop vite sur le projet, Bruno Marchand s’inquiète.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Bruno Marchand, maire de Québec

Tout ce qu’on va faire qui va favoriser l’étalement urbain va nous éloigner de nos cibles de réduction de GES.

Bruno Marchand, maire de Québec

Pour contrer le problème, il préconise un élargissement du périmètre urbain pour empêcher des municipalités plus éloignées de se développer de manière agressive afin d’augmenter leurs revenus de taxe. Un nouveau pacte fiscal pourrait être négocié

« Nos alliances doivent dépasser nos intérêts individuels », plaide Bruno Marchand.

En effet, les villes ont tout avantage à ajuster leurs flûtes pour mieux représenter les intérêts des Québécois qui vivent de plus en plus en milieu urbain. Une réalité que la CAQ semble parfois oublier.

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