Combattre l’inflation à coups de baisses d’impôt ou de réduction de taxes généralisées, c’est un peu comme essayer d’éteindre un incendie en l’arrosant avec de l’essence. Ça brûle !

À quelques jours du dépôt du budget mardi, le premier ministre François Legault doit donc résister à la tentation de distribuer des cadeaux à grande échelle aux contribuables.

Le choix est déchirant, car il ne fait aucun doute que les ménages souffrent de la flambée de l’inflation qui vient d’atteindre 5,7 % – du jamais vu au Canada depuis 30 ans – alors que leurs salaires ou leurs rentes n’ont pas suivi la même tangente.

La tentation de réagir est d’autant plus forte qu’au seuil d’une campagne électorale, les partis politiques ont toujours le réflexe de faire miroiter des bonbons fiscaux aux électeurs.

Mais en cherchant à estomper l’effet de la hausse des prix sur les consommateurs, le gouvernement ne ferait qu’envoyer encore plus de carburant dans l’économie, ce qui risquerait de propulser l’inflation, qu’on cherche plutôt à ralentir.

Il est donc primordial d’agir de la façon la plus ciblée possible pour aider les ménages à faibles revenus dont le pouvoir d’achat est particulièrement touché par l’inflation.

En effet, les ménages moins nantis consacrent près des deux tiers de leur budget – contre seulement le quart pour les plus riches – aux trois postes de dépenses essentielles qui sont justement ceux où l’on observe les augmentations de prix les plus douloureuses :

6,7 % dans le panier d’épicerie ;
6,6 % pour le logement ;
8,7 % pour le transport, dont une hausse marquée de 32 % du prix de l’essence.

C’est triste : quand l’eau monte, ce sont les plus petits qui boivent la tasse.

Alors le gouvernement serait justifié de leur lancer une bouée de sauvetage en bonifiant ponctuellement leur crédit à la Solidarité, comme il l’avait fait lors du mini-budget de l’automne dernier. Des chèques totalisant presque un milliard de dollars ont été envoyés à plus de 3 millions de Québécois, à raison de 275 $ pour les personnes vivant seules et de 400 $ pour les couples.

Par contre, il ne serait pas souhaitable de réduire les taxes sur l’essence⁠1 ou de geler les tarifs d’Hydro-Québec⁠2, comme nous l’avons déjà plaidé.

Geler les loyers, comme le réclame Québec solidaire, n’est pas non plus une bonne avenue. Cela entraînerait des effets pervers, puisque l’inflation touche aussi les propriétaires de plex qui doivent entretenir leur immeuble.

Offrir une allocation de 2000 $ aux aînés, comme le propose le Parti libéral, serait certainement populaire auprès de cet important bassin d’électeurs. Mais l’aide aux aînés est davantage dans le champ d’action du fédéral, avec la pension de la Sécurité de la vieillesse.

Et il faut bien dire qu’on trouve des poches de pauvreté encore plus dramatiques chez les personnes de moins de 65 ans, en particulier celles vivant seules qui doivent absorber seules la hausse des prix.

Mais c’est bien connu, on ne gagne pas des élections en aidant les gens sur l’aide sociale…

Sinon, quoi d’autre ?

Ramener l’inflation sur terre est d’abord et avant tout le rôle des banques centrales qui croyaient que l’escalade des prix serait un phénomène temporaire relié aux problèmes des chaînes d’approvisionnement.

Même si elles ont maintenant commencé à relever leur taux d’intérêt pour freiner l’économie, on peut s’attendre à ce que l’inflation grimpe encore davantage avec la guerre en Ukraine et le reconfinement en Chine dû à la COVID-19.

On pourrait même se retrouver avec de la stagflation, soit une inflation élevée conjuguée à une croissance économique faible.

Face à ce mauvais cocktail, Québec devrait repenser sa fiscalité en profondeur.

La province est championne mondiale de l’impôt sur les particuliers. Parmi les 38 pays de l’OCDE, elle se classe au troisième rang des endroits où les individus paient le plus d’impôt.

Cela décourage le travail dans un contexte où la pénurie de main-d’œuvre provoque des ruptures de services – pensez aux CHSLD et aux garderies – et alimente l’escalade des prix.

On gagnerait donc à réduire les impôts, tout en augmentant du même montant la taxe de vente du Québec (TVQ). Au final, une telle réforme ne coûterait rien aux contribuables, mais elle aurait le grand mérite de stimuler l’économie et de créer de la richesse, calculent les experts.

Mais l’idée n’est pas facile à vendre d’un point de vue politique, car une baisse d’impôt est moins visible qu’une hausse de taxe, surtout à un moment où les hausses de prix donnent du fil à retordre aux consommateurs. À ce chapitre, on devrait s’assurer que les ménages à faibles revenus ne soient pas affectés par la hausse de taxe en bonifiant de façon permanente le crédit à la Solidarité.

Ce concept de réforme fiscale ne date pas d’hier. Déjà en 1986, Jacques Parizeau, alors qu’il était ministre des Finances, avait fait de premiers pas en ce sens. Et en 2015, la Commission sur l’examen de la fiscalité québécoise avait été dans la même direction.

Allez, un peu de courage politique !

1. LISEZ « Remplacer la taxe sur l’essence, pas l’abolir » 2. LISEZ « Gel des tarifs d’électricité : ce nid-de-poule qui guette Hydro » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion