Le gel est aussi nocif pour nos routes que pour nos services publics, n’en déplaise à tous ceux qui réclament un gel des tarifs d’Hydro-Québec.

C’est qu’après un gel vient toujours un dégel.

Sur nos routes, cela creuse des nids-de-poule qui nous font enrager tous les printemps. Et dans nos services publics, cela provoque un choc tarifaire lorsqu’on doit tôt ou tard procéder à un rattrapage. Souvenez-vous seulement du concert de casseroles lors du printemps érable pour dénoncer la hausse des droits de scolarité.

Plus facile de geler que de dégeler.

Alors, on comprend que le premier ministre François Legault refuse de geler les tarifs. Mais c’est bien sa faute si les clients d’Hydro-Québec se retrouvent, à partir du 1er avril, avec une augmentation de 2,6 % du prix de l’électricité. Et attachez vos tuques, car la facture pourrait grimper de 5 % l’an prochain, une hausse inégalée en 15 ans.

Tout cela parce que la Coalition avenir Québec (CAQ) a choisi, en 2019, d’arrimer les tarifs d’électricité à l’inflation, au lieu de laisser à la Régie de l’énergie le soin d’établir une augmentation raisonnable, comme c’était le cas avant… et comme ça devrait l’être encore.

L’objectif était de simplifier le processus. Soit. Mais c’était écrit dans le ciel que ça tournerait mal.

Les clients se retrouvent aujourd’hui avec des augmentations qui n’ont aucune commune mesure avec les coûts relativement stables de la société d’État, qui s’en mettra plein les poches. Ça ressemble à une hausse d’impôt déguisée.

Ce sera particulièrement difficile à avaler pour les moins nantis qui consacrent presque les deux tiers de leur budget (62 %) aux dépenses essentielles (logement, transport et alimentation), par rapport à seulement 27 % pour les plus aisés.

Pour eux, difficile de faire des coupes dans le chauffage en hiver, dans l’essence pour aller travailler ou dans le panier d’épicerie pour nourrir les enfants.

N’empêche, il y a de meilleures façons de les aider. Il vaudrait mieux bonifier le crédit d’impôt pour solidarité, par exemple, que de geler les tarifs d’électricité pour tout le monde… y compris les ménages plus aisés qui consomment de deux à trois fois plus d’électricité.

Déjà, les clients commerciaux et industriels « subventionnent » les clients résidentiels dont la facture est environ 10 % inférieure, grâce à cet interfinancement absurde.

Ce n’est ni en subventionnant ni en gelant la facture des consommateurs qu’on les encouragera à diminuer leur consommation d’énergie. Il est pourtant essentiel de réduire le gaspillage si on veut réussir notre transition énergétique.

Pour atteindre nos cibles de réduction de gaz à effet de serre, Québec mise sur l’électrification, ce qui est fort louable. Mais pour y arriver, il nous faudra environ 50 % plus de térawattheures. Ceux qu’on peut dégager grâce à une meilleure efficacité énergétique coûteront beaucoup moins cher que ceux provenant du développement de nouvelles capacités de production.

Dans ce contexte, une augmentation plus substantielle de notre facture d’électricité mérite réflexion.

Ce ne serait pas un drame, car les tarifs du Québec sont les plus faibles de toute l’Amérique du Nord. Et de loin.

Chez nous, le prix de l’électricité est deux fois et demie plus bas qu’à Toronto et quatre fois et demie plus bas qu’à New York, selon une comparaison réalisée annuellement par Hydro-Québec.

Ce n’est pas parce que le Québec nage dans l’hydroélectricité qu’il faut la gaspiller. Regardez la Norvège, qui a du pétrole par-dessus les oreilles… mais qui est aussi l’endroit dans le monde où le prix de l’essence est le plus élevé (derrière Hong Kong).

Le Québec est mûr pour un véritable débat sur la transition énergétique. Mais cela doit se faire en toute transparence. Pas en se cachant derrière l’inflation.

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